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sujets. La première était urgente. Du parti qu’on allait prendre dépendaient le sort de la guerre et l’affranchissement de l’Italie. La volonté nationale devait s’exprimer sur-le-champ et de la façon la plus prompte. Pouvait-on mieux faire que de s’adresser aux assemblées primaires ? Bien qu’il ne soit pas parfait, ce mode est loin de mériter les critiques que lui adressaient les républicains. On l’a adopté surtout, nous le répétons, pour hâter une solution qu’il eût été dangereux de retarder au milieu des embarras de la guerre, et il n’implique nullement pour les Italiens la condition de se livrer pieds et poings liés, sans garanties, au bon plaisir du roi de Piémont. Les droits du peuple seront réglés et sauvegardés par la future assemblée, et il n’entre dans l’esprit de personne, à Turin comme à Milan, de préjuger les questions que celle-ci aura à résoudre. Cela est si vrai que dans la discussion de l’adresse du sénat piémontais un amendement signé de quatorze membres, portant que les pairs de Sardaigne se déclaraient prêts à déposer entre les mains du roi les droits qui viennent de leur être conférés, au cas où la constituante le jugerait nécessaire, a été voté presque à l’unanimité. Il s’en faut pourtant que le sénat de Turin soit d’une nuance de libéralisme très prononcé. La composition de cette chambre haute a même décidé, si l’on s’en souvient, MM. Gioberti, d’Azeglio et quelques autres qui avaient été inscrits sur la liste de formation, à décliner l’honneur qui leur était fait de siéger dans une assemblée considérée comme rétrograde.

Le relevé des registres des communes a prouvé au parti républicain qu’il était loin encore d’avoir la majorité ; il lui faut s’accommoder aux temps et aux circonstances. A défaut de président électif, le roi Charles-Albert peut bien être considéré comme président perpétuel et héréditaire de la république italienne une et indivisible. Ainsi pense le docteur Pietro Ripari. Puisque le docteur Ripari se contente de ceci quant à présent, nous n’avons pas d’objections à faire sur les mots. Les républicains sentent qu’ils ne peuvent guère travailler que pour l’avenir. Pour faire une république, il faut des républicains. Il n’y en a pas encore en Italie ; il est vrai que ce n’est pas partout une raison pour s’en passer. En attendant qu’il s’en forme, il convient de se contenter d’une constitution. Et combien y en a-t-il encore en Italie qui comprennent ce que c’est qu’une constitution ? Cela n’empêche pas qu’on ne veuille une constitution dans la plus large acception du mot. Celle du Piémont n’est point assez libérale aux yeux de beaucoup de gens ; c’est au sein d’une grande assemblée constituante que l’on veut discuter et étudier les principes qui serviront de base à la charte du royaume d’Italie. C’est une expérience difficile que l’on va entreprendre. L’exemple de 89 pourrait bien induire les Italiens en erreur. La constituante française avait à proclamer pour la première fois les grands principes fondamentaux de toutes les sociétés modernes. Ces principes sont acquis aujourd’hui pour l’Europe comme pour la France. Il n’est pas facile de voir ce que la constituante italienne aura à y ajouter. S’il ne s’agit que de réformes et de réorganisation intérieure, le parlement de Turin, agrandi par l’accession proportionnelle des députés de la Lombardie, de Parme et de Modène, et installé à Milan, y suffirait, ce nous semble, pleinement. Ce n’est pas dans les grandes réunions que ces sortes de travaux s’exécutent avec le plus de rapidité et d’ensemble. Au rebours, les anciennes républiques et celles du moyen-âge, quand elles voulaient riformar lo stato, délivraient de pleins pouvoirs à une commission composée d’un petit nombre de personnes (la Balia), et suspendaient, au contraire, l’action