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justifiée en mettant au jour des fondations de bains romains pavés d’une assez belle mosaïque. Serait-ce ici le Carocotinum de l’itinéraire d’Antonin, cette ville maritime dont la recherche a coûté tant de savantes veilles ? En désespoir de cause, on l’a mise à la place du Hâvre, sans songer qu’au temps d’Antonin l’alluvion sur laquelle il est bâti n’était pas encore formée. On se fondait sur la distance assignée de Carocotinum à Juliobona (Lillebonne), et j’oserai remarquer que de ce dernier point, au Hâvre ou à Étretat, elle est exactement la même. Quant aux conditions auxquelles devait y prospérer l’établissement maritime, elles sont écrites sur le sol assez clairement pour se passer de témoignages historiques.

Cette configuration du sol n’avait point échappé aux commissaires du cardinal de Richelieu, qui pourtant n’y trouvèrent pas les conditions nécessaires à l’établissement d’un port militaire. M. de Lamblardie eut plus de hardiesse en 1782[1]. Il observait que le débouché du vallon n’est qu’à 3,600 mètres du cap d’Antifer, où commence le courant de galets, que par conséquent les dépôts, bien moindres qu’à Fécamp, à Dieppe et au Tréport, pourraient être maîtrisés avec des chasses d’une faible puissance ; que, tandis qu’aucun port de la côte, y compris celui du Hâvre, n’offre une profondeur suffisante pour les frégates, on trouve à mer basse, devant Étretat, 6 mètres d’eau à 40 mètres du rivage, 12 à deux encâblures. Il en concluait la possibilité de rendre cet attérage praticable aux vaisseaux de ligne, et proposait de leur ouvrir un avant-port de 38 hectares, formé par deux jetées enracinées au pied des falaises, et de creuser en arrière un bassin à flot de 14 hectares ; mais il ne disait pas comment il aurait expulsé le galet à l’entrée de ses jetées.

À cette époque, le gouvernement était préoccupé, comme l’avait été Richelieu, de la recherche des moyens de soutenir dans la Manche une lutte armée contre l’Angleterre, et les projets de l’établissement de Cherbourg n’étaient point encore définitivement adoptés. M. de Lamblardie, en proclamant les avantages de celui-ci, croyait qu’Étretat en serait le complément nécessaire. De Cherbourg à Dunkerque, nous n’avons pas en effet un port, une rade défendue, où puisse se réfugier une frégate ; une escadre prise par de forts vents d’ouest sur la méridienne de Cherbourg est toujours en danger d’être affalée sur la côte de Normandie, et l’on sent tout ce qu’une pareille chance à courir introduit de gêne et d’incertitude dans les opérations de nos armées navales.

  1. De l’impossibilité de faire l’établissement d’un port de roi dans ceux qui se trouvent entre l’embouchure de la Seine et celle de la Somme, et indication du seul endroit où cet établissement serait possible dans cette partie de la côte. (Mémoire sur les côtes de la Haute-Normandie.