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Indépendamment du commerce local et de la pêche, le Tréport rend d’utiles services comme port de refuge ; les navires qui, par les vents d’aval, manquent l’entrée de Dieppe, seraient poussés, s’il ne leur était pas ouvert, jusqu’au fond du Pas-de-Calais. Il n’admettait jusqu’ici que des navires de 2 à 3 mètres de tirant d’eau ; on double presque aujourd’hui la profondeur du port, on l’entoure de quais, on allonge les jetées de manière à les mettre en état de recueillir les bâtimens à mer basse. Le cardinal de Richelieu ne partagea pas, en 1640, les illusions de ceux qui proposaient de fonder au Tréport un grand établissement militaire, il fit bien ; les améliorations qui s’y réalisent de nos jours sont tout ce que comportent la nature des lieux et les besoins de la navigation.

A l’ouest du chenal du Tréport et à deux milles en mer est un assez bon mouillage forain. De là jusqu’à Dieppe règne un fond de coquilles brisées et de vase marneuse fort tenace : les bâtimens y jettent l’ancre quand la marée ou des vents modérés les contrarient dans leur route ; mais ils se hâtent d’appareiller dès qu’ils sentent fraîchir les vents du large. A moitié chemin s’aperçoit une espèce de fente dans le haut de la falaise ; c’est le ravin de Biville, par lequel, le 21 août 1803, George Cadoudal et d’autres assassins soldés par les Anglais s’introduisaient en France. Le cabinet de Saint-James était jaloux de montrer que le peu de succès de la machine infernale de la rue Saint-Nicaise ne l’avait point découragé, et ce nouvel exploit faisait honneur à sa persévérance.

IV.


La sombre verdure de la vallée d’Arques, tranchant sur l’éclatante blancheur des falaises entre lesquelles elle est encadrée, signale au loin l’attérage de Dieppe. Ornée de sa tour de Saint-Jacques, de son dôme et de ses clochetons de Saint-Remi, dominée par le château gothique qui, du haut de la falaise de l’ouest, semble veiller à la fois sur la campagne, sur la mer et sur elle, la ville occupe toute la largeur de la vallée : du côté même de la terre, tout y sent la ville maritime. Le chenal du port la traverse tout entière ; les bassins se recourbent en arrière pour l’enceindre, et, en descendant le long de la rivière d’Arques, on voit les mâts des navires se projeter sur les toitures et les façades des maisons. Cet aspect ne promettait rien de trop au XIVe, au XVe et au XVIe siècles, alors que les intrépides enfans de Dieppe portaient au-delà des limites du monde connu la gloire de notre pavillon, et que leur port était à peu près le seul en France qui reçût les denrées des contrées équinoxiales.

M. Vitet, dans son intéressante Histoire de Dieppe, montre la ville