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chapitre des denrées coloniales produirait plus que la douane ne perçoit aujourd’hui sur tout l’ensemble de nos importations. Si l’on ajoute à cela le produit des autres articles maintenus au tarif, produit que nous avons évalué plus haut à environ 90 millions, mais qui atteindrait sans peine le chiffre de 150 millions dans quatre ans, on trouvera qu’au bout de ce terme la recette totale de la douane s’élèverait pour le moins à 300 millions, c’est-à-dire à plus du double du revenu actuel. Tels sont les résultats que le gouvernement tient dans sa main, et qu’il peut réaliser quand il voudra, tout en améliorant sensiblement à d’autres égards la situation générale du pays.

C’est alors pourtant, au terme de ces quatre années, qu’il conviendrait de diminuer de nouveau, et d’une manière progressive, jusqu’à les réduire à néant, les droits que nous avons provisoirement maintenus sur les matières premières, telles que fontes, fers, cotons, laines, lins, chanvres, graines oléagineuses, etc., aussi bien que sur les denrées alimentaires, comme les céréales et les bestiaux. Les recettes pourraient donc commencer à s’affaiblir sur ces articles, car les droits descendraient bientôt à ce degré où ils cessent d’être largement productifs de revenu. Toutefois, comme les réductions ne seraient que graduelles, et comme, à mesure que le revenu faiblirait de ce côté, il continuerait à grossir sur les denrées coloniales, il serait facile de le maintenir, sur l’ensemble, à ce niveau de 300 millions qu’on aurait une fois atteint. Il ne faudrait certainement pas plus de dix ans pour que les seules denrées coloniales produisissent cette somme entière. Dans dix ans, en effet, la consommation du sucre de canne s’élèverait en France, en supposant toujours le droit à 35 francs, à 500 millions de kilogrammes pour le moins, ce qui donnerait déjà une recette de 175 millions. Les autres articles, café, thé, cacao, cannelle, poivre, piment, etc., produiraient sans peine le reste. On pourrait s’arrêter à ce dernier chiffre, en se fiant pour le reste à l’action du temps. Alors le moment serait venu de rayer définitivement du tarif tous les autres articles de quelque genre qu’ils soient, d’admettre en pleine franchise non-seulement les matières premières et les denrées alimentaires, mais encore les articles manufacturés, d’inaugurer enfin le régime d’une liberté parfaite.

Cependant le droit de 35 francs les 100 kilogrammes, auquel nous nous sommes arrêté, quoique fort inférieur au droit actuel, surtout si l’on considère que nous faisons disparaître à la fois les distinctions de provenances et les distinctions de qualités, paraîtra sans doute encore fort élevé. Il serait convenable de le fixer à ce taux pendant les premiers temps, de peur qu’une réduction trop forte au début n’occasionnât un mécompte au moins momentané dans les prévisions ; mais, dans