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C’est, au reste, sur le sucre qu’il y aurait à obtenir des résultats immédiats et qui seraient merveilleux. Si l’on réduisait, par exemple, le droit à 35 fr. les 100 kilogrammes, sans addition de décime, et surtout sans distinction des provenances ni même des qualités, la consommation, favorisée tout à la fois par l’abaissement du prix et par le plus grand usage du thé, du café, du cacao, de toutes les substances enfin qui provoquent l’emploi du sucre, serait certainement plus que doublée en un an. Laissant en dehors la production du sucre indigène, que nous supposerions maintenue à son niveau actuel, nous pensons que la crise en consommation du sucre exotique, qui, déduction faite des exportations en raffinés, ne s’est pas élevée à 90 millions de kilogrammes en 1845, atteindrait certainement le chiffre de 200 millions. Alors la recette, qui n’a pas excédé 51 millions en 1845, serait immédiatement portée à 70 millions, et, comme la quotité du drawback sur les raffinés aurait été réduite dans la proportion de l’abaissement du droit perçu, le montant des restrictions à faire tomberait de 13,198,100 fr., chiffre de 1845, à environ 7 millions de francs. Le revenu final sur cet article, sans parler de l’économie à faire sur les frais de perception, s’élèverait donc d’environ 38 millions à 63, laissant ainsi au trésor, sur le seul article sucre, et dès la première année, an bénéfice net de 25 millions.

Ce résultat si beau serait encore peu de chose, toutefois, en comparaison de ceux que promettrait l’avenir. En moins de quatre ans, la France atteindrait sans peine le niveau de la consommation actuelle de l’Angleterre par tête d’habitant, ce qui, en comptant toujours le sucre indigène pour le chiffre actuel de sa production, élèverait l’importation du sucre de canne à plus de 300 millions de kilogrammes. A raison de 35 francs par quintal métrique, cette importation procurerait au trésor 105 millions de francs ; et comme sur les autres denrées coloniales le produit se serait également accru dans l’intervalle, la recette sur l’ensemble du chapitre excéderait certainement alors 150 millions.

Arrêtons-nous un instant sur cette donnée. Voilà donc la recette sur le seul chapitre des denrées coloniales élevée à 150 millions dans quatre ans. Ce résultat nous paraît si peu douteux, que nous n’hésiterions pas à porter le chiffre beaucoup plus haut, s’il ne fallait en tout cela se tenir constamment au-dessous des prévisions légitimes. Comme le montant total des recettes de la douane n’a été que d’environ 152 millions en 1845[1] ; comme, d’un autre côté, il y aurait, dans le système que nous proposons, des économies assez importantes à faire tant sur les restitutions de droits que sur les frais de perception, on voit que le seul

  1. Ce résultat a très peu varié pour les trois années que nous avons prises pour base de nos calculs, 1844, 1845 et 1846.