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de droits plus modérés, bien que trop élevés encore, cette consommation se développe tout à coup au point d’égaler déjà, à peu de chose près, celle de la France, où l’usage du chocolat était répandu d’ancienne date. Elle ne tardera pas à la surpasser, car elle est progressive, tandis qu’en France elle est stationnaire depuis long-temps[1].

En ce qui concerne le thé, il est difficile de comparer la quotité du droit à diverses époques, parce qu’il n’a pas toujours été établi sur les mêmes bases. Jusqu’en 1831, c’était un droit ad valorem, qui avait été de 20 à 50 pour 100 en 1801, et qu’on avait élevé, en 1811, à 96 p. 100. Plus tard, le droit ad valorem fut converti en un droit fixe de 2 sh. 1 d. et 2 sh. 2 1/4 den. la livre. En somme pourtant, on peut dire que, depuis 30 ou 40 ans, le droit sur le thé a été plutôt exhaussé que réduit ; mais d’autres circonstances ont compensé largement l’effet de ces aggravations du tarif. Autrefois le thé était monopolisé par la compagnie des Indes orientales, qui le vendait sur le marché de la métropole à très haut prix. Sous l’empire de ce régime, la consommation était demeurée à peu près stationnaire depuis 1801 jusqu’en 1820, n’excédant guère le chiffre de 20,000,000 liv. Après la suppression du monopole et l’introduction du commerce libre, les prix baissèrent d’une manière notable, et la consommation s’accrut rapidement.

Voici quelle a été cette consommation à trois époques différentes. On trouvera en regard l’indication des prix moyens.


Années Prix moyen la livre de thé Quantités consommées
1814-15 3 sh. 8 den. 19,224,154 liv
1831-32 2 sh. 2 den. 1/4 31,548,409
1846 1 sh. 4 den. 46,728,208

Bien que dérivant de causes étrangères à la fixation du droit, l’abaissement des prix a toujours produit les mêmes effets, et cet exemple n’en vient pas moins confirmer les autres. C’est donc une vérité constante par rapport à toutes ces denrées, que, pour en étendre la consommation, il suffit d’arriver par un moyen quelconque à en modérer les prix. En tout cela, les habitudes d’un pays sont peu de chose ; pour mieux dire, ces habitudes changent sous des régimes différens. Pourquoi l’usage du chocolat est-il si répandu en Espagne ? Uniquement parce que l’Espagne a long-temps possédé les pays producteurs de cacao. Si l’usage du thé est plus général en Angleterre qu’en France, on peut dire de même que c’est parce que l’Angleterre a depuis long-temps des relations plus directes et plus fréquentes avec les pays producteurs de

  1. La mise en consommation du cacao a été pour la France, en 1845, de 1,859,300 kil. Ce chiffre répond exactement à la moyenne des cinq années antérieures, ce qui prouve qu’il n’y a pas de progrès.