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localité comme il arrive aux populations sauvages qui habitent d’autres parties de l’Afrique. Dans cette hypothèse, un corps de prêtres en possession non pas d’une science supérieure (on sait que je ne crois pas à l’existence de cette science chez les anciens Égyptiens), mais en possession d’un point de vue religieux un peu plus élevé et dont l’idée de la vie exprimée par le soleil et par le signe de la reproduction était la base principale ; ce corps de prêtres, dis-je, trouvant dans chaque coin de l’Égypte un fétichisme local établi, aurait accepté ce fétichisme en le rattachant à ses propres idées sur la vie et la mort, aurait conservé ces types empruntés à la nature animale, et que la superstition populaire avait consacrés, le bélier, le chacal, l’épervier, le crocodile, et en aurait fait les dieux de son panthéon. Si c’est là l’origine de la religion égyptienne, si elle s’est formée ainsi au moyen d’un dogme sacerdotal greffé sur un fétichisme local, ou comprend pourquoi les différentes villes étaient consacrées à des dieux différens, et pourquoi, ces dieux étant primitivement les objets d’un culte indigène, les sectateurs des uns pouvaient être les contempteurs des autres. Le crocodile, devenu le dieu Sevek dans la mythologie égyptienne, avait été probablement le fétiche primitif d’Ombos. Ceci tient, comme on voit, à tout un système sur la religion égyptienne que je n’ai point à développer ici, mais que j’ai cru devoir indiquer à propos du culte particulier d’Ombos et de la disposition extraordinaire de son temple.

Je crois qu’on a trop souvent voulu expliquer les mythologies anciennes par des idées empruntées aux temps modernes et en particulier par des considérations d’utilité matérielle. Cicéron, par exemple, parle de l’utilité de l’ichneumon, du chat, du crocodile. Or, quelle a jamais été l’utilité du crocodile ?

Le climat du Nil offre une invariable régularité. Bossuet a pu dire avec raison : « La température toujours uniforme du pays y faisait les esprits solides et constans. » En effet, nulle part dans le monde le jour qui précède n’est aussi semblable au jour qui suit. En Égypte, les caprices de l’atmosphère sont à peu près inconnus ; jamais on ne fait entrer dans ses projets les variations des baromètres. On sait d’avance que le lendemain sera semblable à la veille. Le ciel immuable fait paraître le temps immobile.

L’année égyptienne n’était pas divisée comme la nôtre en quatre saisons. Il n’y avait ni un printemps, ni un été, ni un automne, ni un hiver, mais une saison des semailles, une saison de l’inondation, une saison de la récolte. C’est ce que les hiéroglyphes des divisions du temps ont appris à Champollion, qui les a interprétés le premier. Cette division de l’année en trois parties existe encore en Égypte, à ce que m’a dit Soliman, qui ne l’a point trouvée dans les hiéroglyphes. Elle résulte d’une nécessité permanente du climat dans ce pays singulier, où