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roi, le Voeu intime de mon ame, continuent ces révélations sincères sur les infortunes politiques du monarque. Nous ne nous plaindrons plus de sa diplomatie ; il est impossible de montrer plus de candeur et de s’exécuter plus complètement. Il ne faudrait pas cependant chercher à découvrir un système dans ces confessions publiques du roi de Bavière. Il ne faut pas chercher une pensée politique, un dessein, une théorie quelconque au fond de ces doléances perpétuelles ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il s’ennuie. Une constitution, si peu libérale qu’elle soit, ce n’est pas seulement un fardeau à porter, c’est un ennui profond qu’il faut subir. La liberté, le droit, les grands principes sociaux qui enthousiasment les cœurs, ah ! fi ! bagatelles que tout cela ! vile prose, vous dis-je ! et voilà le sublime poète qui recommence ses plaintes dans le langage de Cathos et de Madelon, de Jodelet et de Mascarille.

Il est parfois assez belliqueux, et il s’enhardit jusqu’à défier son ennemi. Son ennemi, vous le savez, c’est l’esprit du temps, der Zeitgeist ; c’est cette force morale, ce génie invisible qui est le soutien de chacun de nous, mais qui ne pardonne guère à ceux qui renient ses inspirations. Le roi de Bavière n’admet pas ce principe, et il s’écrie avec une audace toute chevaleresque : « L’esprit du temps n’est terrible que pour celui qui en a peur ; marchez droit à lui, le fantôme s’évanouira ! » Une autre fois, quand les peuples se demandent avec douleur ce qu’ils ont gagné en 1813, il leur répond durement qu’ils ont fait leur devoir, et que c’est bien assez. Une page plus loin, c’est un hymne à l’empereur Nicolas, et le poète entasse les plus grotesques hyperboles dans ce panégyrique incroyable. Nicolas est le chérubin à l’épée de feu, le noble guerrier béni du ciel, l’envoyé du Tout-Puissant, le rempart du christianisme. La terre, par toutes les voix du genre humain, et le ciel, par tous les chœurs des anges, lui crient de marcher à son but et de s’emparer de la Turquie. Ce n’est pas que l’empereur Nicolas ait aucune ambition conquérante ; loin de là, son regard est tourné vers des choses plus hautes (Auf höheres gerichtet ist dein Blick). Telle est la politique intelligente, telles sont les heureuses inspirations du roi Louis. On ne s’étonnera plus que son rôle d’homme d’état, s’il l’interprète toujours de cette façon, lui cause un incurable ennui. Pour moi, je commence à comprendre ce que signifient ces perpétuelles invocations à la fantaisie, à l’idéal, et particulièrement celle où je trouve ces mots : « Je vis dans un nuage ; aucune illumination supérieure ne vient visiter ma pensée, et, bien que je ne sois pas mort, la vie s’est retirée de moi. » N’aurais-je pas eu tort tout à l’heure de blâmer dans les plaintes du roi Louis les hyperboles bizarres et les affectations des précieuses ridicules ? C’est peut-être sa franchise qu’il fallait louer.

L’ennui donc, voilà le dernier mot du poète dans toutes les pièces qui se rapportent à sa vie politique ; ennui impitoyable, ennui mortel,