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Livré à la dévotion, à des pratiques sévères, il en appuyait sa foi, mais sans renoncer aux libres élans, aux poétiques ardeurs d’une religion toute philosophique et toute de sympathie pour l’humanité. Ainsi s’est passée sa jeunesse, entre le patriotisme, les arts et la piété. Chaque jour, comme une prière, comme un délassement, comme un acte de bon propos pour l’avenir, quelques vers s’échappaient de son cœur. Il traçait, en courant, l’histoire de sa vie morale. Le jour venu de monter sur le trône, il s’y est montré ce qu’il était la veille. Seulement, ce qui n’était qu’un rêve, une pensée, s’est tourné en action. Une économie sévère, des réformes inespérées, ont remplacé le luxe un peu imprévoyant de l’excellent Maximilien son père ; la liberté de la pensée, l’égalité des cultes, ont reçu une sanction nouvelle ; Munich est devenu une ville d’arts et de sciences un musée riche et de jour en jour agrandi, une université qui compte Schelling à la tête de ses philosophes, des bibliothèques magnifiques, des règlemens sages et tout-à-fait propres à réformer les mœurs sauvages des étudians, ont appelé dans ses murs l’élite de la jeunesse allemande. Le roi Louis a créé au midi une rivale de Berlin, et lui-même, au milieu de ce monde savant qu’il anime, auteur libre et sans prétention, se soumet du haut de son trône à la critique ; il lui offre avec confiance son journal de bonnes pensées, car c’est ainsi que se doit nommer ce livre, et c’est ainsi qu’il faut le lire. Ce sont les pages d’étude d’un bon roi[1]. »

Il est impossible, assurément, de décerner un plus magnifique éloge, et, si le portrait est exact, le roi Louis est bien coupable d’avoir renié une vocation si belle ; mais non : si regrettables qu’elles puissent être, les fautes du roi ne sont pas tout-à-fait aussi graves qu’on pourrait le croire d’après ce brillant tableau de sa jeunesse. Rétablissons la vérité. Nous n’avons pas un intérêt de polémique, comme l’écrivain du Globe, à découvrir dans cette Europe réactionnaire de 1829 un homme sur qui fonder nos espérances ; nous n’avons pas besoin d’opposer, bon gré mal gré, une juvénile et généreuse image à l’absolutisme entêté et aux royautés caduques. Les faits sont là, les documens sont nombreux, et il nous est permis d’être vrai. Étudions le roi d’abord, étudions-le dans ce journal de bonnes pensées, beaucoup plus complet, et surtout beaucoup plus clair aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Nous nous demanderons ensuite si les qualités et les défauts du poète ne se retrouvent pas dans cette ville de Munich, qui est une de ses œuvres aussi, et qui serait certainement la meilleure, s’il n’avait eu le très grand tort de la marquer partout à son image.

Les Poésies du roi de Bavière ont été recueillies en 1839, et ne forment pas moins de trois volumes. Nous avons là l’histoire complète de la pensée du prince, depuis les premières et rapides inspirations de la jeunesse jusqu’aux sentimens rétrogrades qui dirigèrent bientôt toute sa conduite. Ce sont d’abord des chants de voyage, des impressions

  1. Le Globe, 22 août 1829.