Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont l’image est figurée par le double colosse de la plaine de Thèbes, Aménophis III est représenté ici offrant un hommage religieux à la déesse du lieu[1] et à son père, qui est associé, comme il arrive souvent, au culte que reçoivent les divinités. J’ai copié une grande partie des inscriptions tracées sur les murs de ce temple, qui n’ont jamais été recueillies dans leur ensemble, et qui mériteraient de l’être ; les peintures qui les accompagnent mériteraient également d’être copiées avec soin, car il y a là des marques évidentes de remaniemens et de surcharges considérables. Ces remaniemens se montrent dans beaucoup de monumens de l’Égypte et de la Nubie, et semblent se rapporter à une révolution religieuse et politique qui se rattacherait à la fois au culte du dieu Ammon et au nom d’Aménophis III, nom dans lequel entre celui de ce dieu. C’est un point curieux à éclaircir. Je me borne à signaler le temple à l’est d’Élithyia comme un des exemples les plus frappans et les moins étudiés de ces substitutions de certaines peintures et de certains cartouches à d’autres peintures et à d’autres cartouches, seule trace de vicissitudes sociales et religieuses aujourd’hui inconnues.

La nuit nous a surpris dans le temple, et nous sommes revenus par un admirable clair de lune qui faisait étinceler d’une lumière blanche et vive le sol aride sous les pas de nos montures, tandis que la température la plus suave nous délassait des ardeurs de la journée.


Edfou.

Le grand temple d’Edfou est une des ruines les plus imposantes de l’Égypte ; quand il apparaît de loin aux voyageurs qui remontent le Nil, les deux massifs de son gigantesque pylône ressemblent un peu aux tours d’une cathédrale.

Les deux temples d’Edfou ne remontent pas au-delà de l’époque des Ptolémées ; le grand temple est un des monumens les plus imposans et les plus majestueux de l’Égypte. Ici le goût grec n’a point rendu plus sveltes les proportions des colonnes comme à Esné. L’architecture égyptienne, au contraire, est devenue plus massive et plus compacte qu’au temps des Pharaons. Si l’on voulait prendre un type de cette architecture telle qu’on se la figure ordinairement, c’est le grand temple d’Edfou qu’on choisirait, et précisément ce temple n’est pas de l’époque égyptienne. En approchant, on voit d’abord les deux massifs du pylône parfaitement conservés et sur ces massifs l’image gigantesque d’un roi tenant de la main gauche par les cheveux un groupe de vaincus que de la droite il menace de frapper. C’est un Ptolémée qui est représenté

  1. La déesse Sowan, qui présidait aux accouchemens, d’où les Grecs avaient nommé la ville Élithyia.