Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/747

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaisir même, une occasion de triomphe ? Ce qui le prouve, c’est que le détenu qui a gardé quelque dignité demande, quand il le peut, je le répète, à cacher sa rougeur dans une cellule particulière, où il évite la communauté, tandis que la plus dure punition que vous puissiez infliger au criminel endurci, c’est au contraire de l’isoler, de le soustraire à la vie commune, de l’enlever au préau, théâtre ordinaire de ses forfanteries.

Si donc, dans la peine de l’emprisonnement, c’est l’intimidation qui vous importe le plus, soyez assuré que le système de séparation peut seul vous fournir un moyen d’intimidation réel et moral ; car la cellule, ceci est bien prouvé, épouvante autant l’homme perverti qu’elle rassure le coupable qui veut s’amender ; le silence et la société exclusive des honnêtes gens répugnent aux natures basses et perdues ; le recueillement, au contraire, est bon et les consolations sont douces au prisonnier repentant. L’emprisonnement en commun renverse toutes les intentions de la justice ; il torture le détenu accessible encore aux bons sentimens et plaît à l’homme pervers dont l’unique joie est de montrer ou de communiquer sa perversité. L’encellulement seul peut rétablir les degrés de l’échelle pénale. Il ménage la dignité humaine, il conserve précieusement les bons germes que peut renfermer, malgré ses fautes, un cœur coupable ; il punit le criminel en le mettant continuellement en face de son crime. Quant à ces misérables vagabonds sans foi, sans profession, hôtes habituels de nos prisons, ces légistes que vous voyez calculer le code à la main le degré du délit qu’ils vont commettre et le mesurer d’avance sur la durée de la peine, soyez certain que ces hommes, qui, trouvant comfortable le séjour des prisons, se font un jeu de la récidive, y regarderont à deux fois quand, au lieu d’un auditoire de leur goût, ils auront en perspective une cellule, des outils et les entretiens d’un aumônier. Quiconque connaît les prisonniers sait qu’une détention de dix années dans une cellule intimide plus un scélérat que les travaux forcés à perpétuité.

Si nous examinons toujours la question au point de vue du condamné, il est temps d’aborder une objection que l’on croit très grave, et qui est au fond fort peu sérieuse. On a reproché, on reproche encore au système cellulaire d’avoir le triste effet de déranger la raison des prisonniers ; on a dit que l’aliénation mentale était le résultat fréquent de l’emprisonnement séparé. Ces reproches, qui font peser encore une accusation d’inhumanité sur les partisans du nouveau système, ont été mille fois repoussés. Les hommes les plus compétens ont prouvé d’une façon incontestable, irréfutable, que pas un fait n’autorisait à dire pareille chose, que toutes les observations démontraient le contraire ; jamais question n’a été mieux étudiée, mieux éclaircie, plus irrévocablement résolue. Chose étrange, tout a été inutile ; la voix publique répète que