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popularité du jeune archiduc. Resterait-il palatin ? deviendrait-il roi d’un peuple affranchi ? Il n’y a pas eu une troisième question posée. J’ai déjà dit comment les conseils de la plus haute politique s’accordaient avec la probité terre à terre pour conseiller à la Hongrie de ne point échanger son importance d’état fédératif dans l’empire contre une indépendance absolue : elle n’y gagnerait que l’isolement ; elle serait rejetée loin du mouvement européen, dans le cercle de demi-barbarie où s’agitent confusément, entre la Russie et la Turquie, les populations de la Valachie, de la Servie, de la Bulgarie. C’est par l’Autriche, après tout, que la Hongrie tient à l’Europe. C’est un pont aujourd’hui ; qu’elle n’en fasse pas une barrière. Une fédération dans laquelle l’indépendance nationale recevrait toutes les garanties nécessaires (et elle est aujourd’hui maîtresse absolue des conditions), et qui assurerait à son action une part importante dans la conduite de la politique extérieure, voilà ce que les vrais amis de la nation hongroise souhaitent aujourd’hui pour elle.

Pour arriver à ce but, pour opérer dans ces limites l’émancipation de la Hongrie, l’institution dont j’ai cherché tout à l’heure à donner quelque idée, le palatinat, offre des facilités, des moyens d’exécution, qu’on chercherait vainement sous toute autre forme de gouvernement. On l’a vu, les prérogatives de cette charge suprême peuvent légalement s’étendre et se prêter aux combinaisons les plus larges pour la liberté et l’indépendance. Les attributions que lui confie la constitution suffisent certes pour en faire une royauté nationale, rattachée seulement à l’Autriche par un pacte fédératif ; c’est grace à cette union seulement que la Hongrie, aussi bien que l’Autriche, pourront compter dans les conseils de l’Europe. En satisfaisant par là aux nécessités du temps, on restera cependant dans la tradition de l’histoire, dans le respect du passé, dans une situation parfaitement légale, acceptée et acceptable de tous ; disons-le, souhaitable pour tous dans l’état de crise auquel l’empire d’Autriche est arrivé. Retenir une ombre de pouvoir sur la Hongrie est tout ce qu’il peut prétendre aujourd’hui ; mais cette ombre est beaucoup pour lui. Pour la famille impériale, pour le palatin, c’est la différence entre le droit et l’usurpation. Rien n’autorise à croire qu’on entraînerait à cette dernière extrémité le fils du noble archiduc Joseph.

Qui osera dire cependant où s’arrêtera l’emportement d’un pays qui recouvre son indépendance, qui s’affranchit tout à coup du joug, d’un joug pesant même à ses maîtres ? Peut-être verra-t-il dans tout ménagement conseillé par la politique la secrète pensée de rétablir plus tard la servitude. L’ascendant du jeune palatin suffira-t il à contenir les volontés impatientes, les vengeances accumulées d’une longue servitude ? Nous apprenons déjà que le peuple s’est armé à Pesth contre la