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bien connues. Le gouvernement autrichien l’accusait assez haut de la fermentation qui existait en Hongrie. Il était mal entouré, disait-on ; il se laissait enivrer par l’amour de la popularité ; ses concessions perdaient tout ; on résumait d’avance son éloge funèbre en ces mots : « Sa mort serait plutôt un embarras qu’une perte. » J’en demande pardon aux docteurs de la politique libérale ou absolutiste, mais on ne peut pas dire dogmatiquement si les concessions perdent ou sauvent un empire. La politique est la science la plus variable dans ses moyens d’application ; il y faut une perception subtile et de chaque instant : ce qui était bon aujourd’hui est mauvais demain et réciproquement. Les règles précises, l’esprit géométrique, y servent peu. Les reproches que le gouvernement autrichien faisait alors au palatin étaient-ils fondés ? Ses concessions ont-elles précipité le mouvement révolutionnaire en Hongrie ou l’ont-elles, au contraire, régularisé et contenu ? La question reste encore à décider ; nous demanderons, comme il convient en ces temps-ci, d’attendre que l’événement nous ait instruits. L’astronomie est parvenue à déterminer le retour et les écarts des comètes : l’esprit humain n’en est pas là pour ces révolutions subites qui apparaissent aussi dans le monde politique et social ; la raison est impuissante à les prévoir, à les calculer ; ce qu’il y a de mieux à faire peut-être, c’est de garder le silence pour l’honneur des oracles. Quand le vent souffle, dit un poète, la sagesse est d’éteindre sa lumière pour pouvoir la rallumer après.

Ce qui est certain, c’est que, tant que le palatin Joseph a vécu, la Hongrie a marché dans la voie du progrès sage et libéral ; les réformes justes se sont opérées pacifiquement ; jamais période aussi longue d’ordre et de liberté ne s’était vue dans son histoire. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un pays assujetti à une domination étrangère, et qu’on a plus souvent comprimé que satisfait. Il y avait, sous l’administration du palatin, progrès évident ; les vieux partis étaient désarmés, les vieilles bannières usées ; on ne demandait plus la séparation, mais la liberté ; les gens qui conspiraient autrefois faisaient de l’opposition, ceux qui se seraient révoltés à main armée faisaient des discours quelque peu factieux, mais l’opinion publique en masse s’était ralliée au palatin ; elle le soutenait et l’encourageait. Elle sentait que, devant les accusations de la chancellerie de Vienne, elle lui devait, elle se devait, de rester pacifique, et de glorifier son défenseur par sa fidélité.

Ce sentiment se montra avec éclat dans une des circonstances les plus mémorables de la vie du palatin. En 1825, après treize années d’interrègne diétal, pendant lesquelles le gouvernement autrichien avait régi la Hongrie par des commissaires royaux, sans convoquer les états, l’empereur François se décida à rentrer dans la constitution, et assembla à Presbourg la diète qu’on a appelée depuis la diète de la