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mois ; mais M. de Lamartine ne doit pas oublier non plus qu’une conduite ferme et claire est la première garantie qu’un état populaire demandera toujours à ses chefs. Si M. de Lamartine a cru qu’il y avait un péril particulier dans une séparation que les représentans du pays appelaient évidemment de tous leurs vœux, il a bien fait de s’y refuser. Il ne faut pas cependant qu’il se dissimule que ce péril particulier n’arrêtait point l’expression du vœu de l’assemblée.

Nous ne dirons rien aujourd’hui des nouveaux ministres dont les noms seuls indiquent qu’on a pris à tâche d’équilibrer deux influences contraires. L’équilibre n’est pas le mouvement ; nous attendons, pour juger le second cabinet de la république, qu’il se soit un peu remué. Encore est-ce bien lui qui sera responsable ? On n’est pas trop en droit de l’espérer, malgré le zèle novice avec lequel le ministre du commerce défendait hier la prérogative du pouvoir exécutif.

Comment, au milieu de ces anxiétés qui nous assiégent de si près, tourner librement ses regards vers les événemens qui se dessinent au dehors dans des proportions pourtant si considérables ? La guerre en Italie, la guerre en Pologne, la guerre en Danemark. Sur ces trois grands théâtres, c’est l’ambition allemande qui s’agite pour conquérir ou pour conserver. Le renouvellement politique de l’Allemagne devra se combiner avec le remaniement des territoires qui lui appartiennent on qui dépendent d’elle. C’est une œuvre gigantesque qui ne se terminera probablement pas sans une nouvelle mêlée européenne. Cependant lord Palmerston a récemment annoncé que les parties belligérantes avaient accepté la médiation de l’Angleterre au sujet de la possession du Schleswig-Holstein. La Russie pouvait d’un moment à l’autre entrer en conflit direct avec la Prusse pour soutenir les Danois : la médiation anglaise ajournerait donc, si elle aboutissait, une des chances de guerre les plus imminentes. L’Angleterre se fût sans doute interposée de même, et plus volontiers encore, entre le Piémont et l’Autriche ; mais il y a là des problèmes d’avenir que l’épée seule doit trancher, et la diplomatie, si puissante contre les peuples qui se meurent, ne peut jamais rien contre les peuples qui ressuscitent. La mauvaise humeur de l’Angleterre n’empêchera point l’affranchissement de l’Italie, si l’Italie sait se mettre d’accord avec elle-même. L’armée piémontaise prend glorieusement la tête de la croisade, et elle vient de remporter sous les murs de Vérone un avantage chèrement disputé pour le seul honneur de l’obtenir. La situation du roi Charles-Albert s’affermit chaque jour et doit s’affermir dans l’opinion de tous ceux qui demandent le salut de l’Italie à la sagesse et à la force plutôt qu’au hasard et aux phrases. Déjà les villes vénitiennes ont manifesté, par l’organe de leurs délégués réunis à Padoue, la volonté patriotique de s’incorporer à la Lombardie. Que Venise et Milan se joignent par un heureux concert, que les ambitions municipales cessent de s’abriter à l’ombre du principe républicain pour repousser la seule association politique qui puisse fonder une patrie, et le nord de l’Italie se fermera bientôt à jamais aux Allemands.

La position du pape n’est point à beaucoup près aussi favorable et aussi simple que celle de Charles-Albert. Il a pourtant lui-même béni l’épée piémontaise. Sublime imprudence du patriote qui avait un instant oublié le pontife ! Le pontife s’est retrouvé maintenant sous le patriote, et la crise provoquée dans la conscience scrupuleuse et naïve de Pie IX s’est reproduite par un triste contre-coup dans tout l’état romain. La souveraineté temporelle et la sou-