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sans ressources, et ne sachant comment subsister. Les règlemens de l’Académie ont essayé de remédier à ce que cette situation a de fâcheux, en statuant que le pensionnaire pendant la dernière année de son séjour à Rome doit exécuter un ouvrage, lequel donnera la mesure de son talent et le fera connaître dans le pays où il va exercer son art. Mais qu’arrive-t-il ? Par l’imprévoyance naturelle aux artistes, surtout par le manque de ressources pour payer des modèles (je parle surtout des peintres et des sculpteurs), la plupart exécutent cet ouvrage à la hâte et au dernier moment. D’ailleurs, il faut se rappeler qu’ils travaillent loin du pays d’où ils attendent leur récompense, qu’ils en ont perdu les habitudes, les modes même, il faut bien lâcher le mot ; enfin qu’ils se présentent au public avec tous les désavantages qu’aurait un étranger. L’épreuve est souvent fatale à beaucoup de pensionnaires, et malheureusement elle est décisive. C’est d’après cet ouvrage que le public les juge. Les musiciens sont mieux traités à mon avis. Les deux dernières années de leur pension, ils les passent à Paris, près des auteurs et des directeurs de théâtre. Ils peuvent, comme on dit, prendre l’air du bureau, et ils ont deux ans pour se faire connaître.

Je voudrais que les peintres et les sculpteurs fussent placés dans une condition aussi avantageuse. Qu’ils envoient à Paris non point un tableau ou une statue, mais des études. C’est au retour qu’ils feront ce tableau ou cette statue. Ils auront une année pour y travailler, et une indemnité suffisante pour subvenir à leurs besoins et payer les frais de modèle. J’insiste sur ces détails pratiques, parce que, à mes yeux, ils ont une grande importance. On ne travaille pas bien quand la misère est à la porte, et celui qui n’a pas de quoi payer des modèles ne fera rien qui vaille. Serait-ce trop de donner 8 ou 10,000 francs à un artiste pour cette dernière année ? S’il a du succès, il vend son tableau, et le voilà lancé ; s’il ne réussit pas, le gouvernement a fait pour lui tout ce qu’il devait faire ; il n’a plus à s’en occuper. Ce sont 10,000 fr. perdus. On achète quelquefois plus cher de mauvais tableaux, et encore est-on obligé de les placer quelque part. Dans mon système, le pensionnaire conserverait toujours la propriété de son œuvre.

Quant aux architectes, il est beaucoup plus difficile de leur donner de l’occupation à leur retour. Un architecte est comme un médecin : pour l’employer, on n’exige pas seulement qu’il soit savant, mais qu’il soit habile, qu’il soit heureux. Un architecte doit être administrateur ; or, on n’apprend à le devenir qu’en dirigeant des travaux. Dans tous les cas, je demanderais pour les architectes la prolongation de leur pension pendant une année après leur retour, et la préférence pour les places d’inspecteur qui seraient vacantes. Peut-être encore pourraient-ils être utilement employés au Conseil des bâtimens civils, où ils prendraient séance pour un temps. J’oubliais de dire que dans mes idées il serait absolument nécessaire d’ajouter pour eux au voyage d’Italie et de