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nous pourrions citer les noms des Chaudet, des Dupaty et des Bosio parmi ceux que l’historien de l’art ne doit pas rayer d’un trait de plume. Cortot, qui continua la tradition académique en l’humanisant quelque peu, et qui, dans telles de ses œuvres, sut atteindre à une majesté sans emphase, toute différente de la majesté napoléonienne, toujours un peu théâtrale, marque la transition de l’école de l’antique pur à l’école contemporaine. M. Simart, que l’on a signalé comme le continuateur de Cortot et de l’école dont ce statuaire éminent fut le dernier représentant, nous semble plutôt avoir ouvert dans son art une voie analogue à celle que M, Ingres a suivie dans le sien, mais avec plus de rigueur et moins de caprice. M. Ingres se dérobe volontiers à cette ligne inflexible que M. Simart suit obstinément. Cependant M. Simart, comme M. Ingres, puise largement dans la nature trop long-temps dédaignée, et c’est à ce commerce de tous les instans qu’il doit ces qualités toutes humaines, ce sentiment exquis de la forme et du dessin, qui le distinguent entre tous. Sa statue de la Philosophie, placée aujourd’hui dans la bibliothèque de l’ancienne chambre des pairs, est à la fois un des plus savans et des plus séduisans ouvrages que nous connaissions. En comparant cette figure avec la Stratonice de M. Ingres, on s’assurera tout d’abord que les analogies que nous signalions entre ces deux talens ne sont nullement imaginaires.

M. David d’Angers, qui étudiait à Rome en même temps que M. Cortot, a tenté dans l’art de la statuaire une révolution analogue à celle que Géricault, son contemporain, a opérée dans l’art de la peinture. Sans briser toutefois, comme ce grand peintre, avec la tradition académique, dont la statuaire ne peut absolument se dégager, M. David d’Angers est retourné résolûment à la nature et a su s’élever en même temps, dans l’interprétation de l’art antique, à une énergie, à une vérité que n’avait su atteindre aucun des sculpteurs de l’époque précédente. L’étude des grands modèles de l’art grec du temps de Phidias et l’horreur de ces formes rondes et conventionnelles si à la mode vers 1820 dominent jusque dans les moindres compositions de l’auteur du Philopoemen ; mais peut-être, entraîné par une opposition systématique, tombe-t-il à son tour dans ces défauts qu’on pourrait appeler réactionnaires ; peut-être accuse-t-il la forme trop carrément et donne-t-il même à ses meilleurs ouvrages quelque chose d’anguleux et de contraint que les chefs-d’œuvre de l’antiquité ne nous présentent qu’aux époques archaïques. Ce système aurait pour extrêmes conséquences l’abolition complète de la grace et de la beauté. Toujours est-il que M. David d’Angers est un statuaire hors ligne et que son influence sur l’école aura été immense. Il a le premier fait sortir la sculpture du XIXe siècle des boudoirs et l’a fait descendre sur la place publique. Il a ouvert la voie où l’ont suivi tant d’artistes de talent, originaux chacun dans son genre.

M. Pradier, talent plus souple, plus gracieux, mais moins élevé que