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peu de valeur, dont il arrive même que le débarquement leur est refusé, et qu’ils se voient réduits quelquefois à jeter à la mer. Ceci n’est point une hypothèse ; nous en connaissons des exemples tout récens. Au retour, ils n’ont à choisir qu’entre un petit nombre d’articles, les autres étant exclus de leur pays ou par des prohibitions formelles ou par de violentes surtaxes. Se rejetant donc, faute de mieux, sur le peu de marchandises qu’on leur laisse, et usant de la faveur exagérée que la loi leur attribue, ils en exigent des frets exorbitans, non peut-être pour augmenter leurs bénéfices, car les bénéfices sont rares sur un pareil terrain, mais pour atténuer leurs pertes. C’est ainsi que le commerce est écrasé et que la marine périt. Laissez là toutes ces faveurs trompeuses, et, prenant une autre route, faites en sorte que nos navires trouvent des chargemens abondans tant à l’aller qu’au retour. C’est alors que la marine grandira, sans peser sur le commerce de tout le poids des privilèges abusifs qu’on lui accorde.

Quoi qu’il en soit, il est évident que ces privilèges, si onéreux pour l’industrie et le commerce, contribuent d’autre part à appauvrir le fisc. Si le droit sur les acajous, que nous avons pris pour exemple, n’était en réalité, et dans tous les cas, que de 14 pour 100 ; si nulle autre charge ne venait peser sur ce produit, la consommation en serait peut-être bientôt quadruplée, et ce n’est pas trop dire. Actuellement, ce bois n’est guère employé en France que pour les ouvrages d’ébénisterie et pour quelques usages tout-à-fait spéciaux et très limités de l’industrie manufacturière ; mais de combien d’autres emplois ne serait-il pas susceptible ! Il suffit de voir tout ce qu’on en fait en Angleterre depuis qu’il y est importé franc de droits[1].

Si l’on applique aux autres bois exotiques[2] les observations que nous venons de faire par rapport aux acajous, ou trouvera que le produit, sur ce chapitre, pourrait être sans peine élevé de un million à deux ou trois. Il suffirait, pour cela, de modérer les surtaxes en maintenant, quant à présent, le droit principal de 14 pour 100. Dans ce cas, la recette s’élèverait donc tout au moins à 2 millions.

Fruits, tiges et filamens à ouvrer. — Quoique le chapitre des fruits, tiges et Martiens à ouvrer comprenne de vingt-deux à vingt-cinq articles, il n’y a que trois de ces articles qui aient une importance réelle

  1. La consommation de l’acajou, en Angleterre, a été, en 1846, à peu près sept fois plus considérable qu’en France. C’est, pour la France, 5,800,000 kil., et pour l’Angleterre 38,000,000. Les Anglais emploient maintenant une sorte d’acajou, plus légère que les autres, à construire le pont ou plancher de leurs navires. Cette espèce particulière n’est guère comme en France.
  2. Le tarif par rapport aux bois exotiques autres que l’acajou a été modifié par la loi du 9 juin 1845 ; mais, au lieu de diminuer les surtaxes, dont l’expérience montre si clairement l’impuissance et les fâcheux effets, on les a aggravées.