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ce qui équivaut tout au plus, pour l’alimentation, à 9 ou 10,000 hectolitres de blé. N’étant donc pas arrêté en ceci par la considération du revenu public, ni même par la nécessité de ménager la transition d’un régime à l’autre, puisque tous ces articles sont trop peu importans pour exercer une influence sensible sur le marché, nous n’hésitons pas à dire qu’ils devraient être immédiatement déclarés francs de droits.

Quant aux céréales, qui forment le principal objet de ce chapitre, il faudrait d’abord supprimer l’échelle mobile, combinaison décevante dont l’unique effet est de jeter le trouble dans les relations commerciales, et remplacer les droits variables du tarif actuel par un droit fixe et modéré. Rien de plus simple au premier abord et de plus convenable en même temps, quand on veut à toute force mettre un droit sur les grains étrangers, que d’élever ou d’abaisser ce droit selon que les prix s’élèvent ou s’abaissent dans le pays : aussi n’est-il pas étonnant que, dans le principe, tant de gens se soient laissé prendre à la séduisante amorce de l’échelle mobile. Malheureusement cette ingénieuse combinaison manque de base, et, dans la pratique, elle fait constamment défaut. Sans parler de l’incertitude qu’elle jette dans les opérations du commerce, incertitude qui est déjà un très grand mal, elle repose sur des évaluations nécessairement inexactes, puisque ces évaluations n’ont pas d’autre base que des mercuriales toujours arriérées de plusieurs semaines et d’ailleurs très irrégulièrement établies. Tout ce système, si séduisant qu’il ait pu paraître à quelques théoriciens du système protecteur, ne soutient donc pas l’examen quand on en vient à considérer les défaillances de la pratique ; l’expérience l’a définitivement condamné.

Quel sera cependant le chiffre du droit fixe que nous substituerons au droit variable du régime actuel ? Il nous semble qu’on pourrait, quant à présent, s’arrêter au chiffre de 1 fr. 50 c. l’hectolitre pour le froment, et ce serait encore beaucoup, surtout dans les années de disette, c’est-à-dire précisément lorsque l’importation devient considérable. Ce n’est même pas sans un violent scrupule que nous proposons un droit si élevé, et, tout en l’admettant comme mesure provisoire, nous éprouvons le besoin de protester de nouveau hautement contre l’existence future de tout impôt de cette sorte. Frapper d’une taxe la marchandise qui fait la base essentielle de l’alimentation du peuple, c’est déjà chose bien grave ; que sera-ce si l’on considère qu’à la manière dont cet impôt est assis, il n’en rentre qu’une faible portion dans les caisses de l’état ? Pour quelques millions que le public paie sur les grains importés de l’étranger, il en paie quinze ou vingt fois plus sur tous les grains qu’il consomme en raison de la cherté artificielle que l’établissement du droit fait naître à l’intérieur, et ce surcroît d’impôt, ce n’est pas l’état, ce n’est pas même, répétons-le, l’agriculture qui en profite. Ceux qui proposent ou qui soutiennent des mesures de ce genre