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qu’elles ont d’immédiatement réalisable, et surtout avec la force des choses, cette puissance occulte, mais irrésistible, qui triomphe de toutes les théories, de toutes les volontés. Si des changemens considérables sont possibles dans l’organisation économique du pays, pour donner des satisfactions, soit aux socialistes, soit aux républicains, ces changemens, si grands qu’ils soient, ne pourront pas être aussi fondamentaux qu’on est porté à le croire ; il faudra bien que les uns et les autres s’arrêtent devant la nécessité.

Il ne s’agit d’ailleurs aujourd’hui que du présent ; l’avenir est réservé pour toutes les doctrines.

Parlons donc du présent seulement, et reconnaissons d’abord qu’une première nécessité, une nécessité impérieuse pour la république, c’est de réduire ou de supprimer certains impôts et de ne pas augmenter les autres. La monarchie s’occupait de réduire l’impôt du sel et la taxe des lettres ; la république ne peut pas faire moins. En même temps, la république ne peut pas, quoi qu’elle fasse, augmenter ni l’impôt direct ni l’impôt indirect. L’addition des 45 centimes aux quatre contributions directes a été un grand malheur ; on semble croire, quand il s’agit d’imposer la propriété, que la propriété est concentrée en France entre les mains de quelques riches qui peuvent bien supporter ce sacrifice ; pour peu qu’on ait étudié l’état de la propriété en France ; on sait bien qu’il n’en est rien. Le nombre des propriétaires et des patentés qu’atteint l’addition des 45 centimes est immense ; pour un riche ou passant pour tel, il y a mille petits propriétaires ou petits patentés qui ont déjà bien de la peine à payer leurs contributions. Ce sont ceux-là que frappe directement la mesure, et la république va dès le premier pas contre son but, qui est la protection des petits intérêts.

Je regarde la prompte fondation de la république comme notre seule chance de salut ; je redoute donc autant que personne tout ce qui peut mettre obstacle à son établissement, et je dois dire que l’augmentation des impôts me paraîtrait pour elle une source intarissable d’embarras et de difficultés. Tous les citoyens ne sauraient lui crier trop haut de s’arrêter dans cette voie déplorable. Si la république s’aliène les sympathies de la grande masse de la population, que deviendrons-nous ? On n’est déjà que trop porté à s’imaginer que le mot de république est synonyme de banqueroute, d’emprunt forcé, d’imposition extraordinaire. Il ne faut pas que cette idée s’accrédite et s’enracine dans les esprits, sinon tout est perdu.

On a proposé l’établissement d’une taxe sur le revenu semblable à celle qui se perçoit en Angleterre ; on a proposé aussi un impôt progressif, des taxes somptuaires, etc. Politiquement, cela vaudrait mieux que ce qui a été fait, parce que moins de gens se trouveraient atteints ; économiquement, cela ne vaudrait rien. Quand on pénétrera dans le détail des