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de Julien que nous devons nous occuper, de l’empereur Julien l’apostat et de la cathédrale de Cologne.

J’aime beaucoup l’espèce de satisfaction à la fois malicieuse et naïve exprimée par M. Strauss à la première page de sa leçon. « C’est de l’empereur Julien, mes chers auditeurs, que j’ai promis de vous entretenir aujourd’hui. Cette tâche vis-à-vis de vous est, je ne dis pas moins difficile, mais certainement moins embarrassante que jamais. Deux motifs, en effet, me rassurent : le premier, c’est que vous connaissez déjà l’histoire de Julien ; je n’ai plus besoin de vous raconter en détail tous les événemens de sa vie et de son règne ; je puis me placer au point de vue le plus élevé, et de là vous signaler les circonstances auxquelles nous devons, selon moi, nous attacher particulièrement, si nous voulons nous former une opinion sérieuse sur ce remarquable personnage. Mais c’est le second motif surtout qui me cause une satisfaction singulière ; je suis bien sûr que personne dans cet auditoire ne se signera quand je prononcerai le nom de Julien l’apostat ; je suis bien sûr que personne n’éprouvera réellement une respectueuse terreur, ou ne se croira obligé de la feindre. Je m’adresse donc à des esprits complètement désintéressés, qui n’opposeront aucun préjugé hostile, soit avant de m’entendre, soit dans le cours de ma leçon, au jugement que je veux établir. » M. Strauss n’a pas toujours été si heureux, et ce contentement naïf ne manque pas d’une piquante hardiesse sous la plume du théologien qui a écrit la Vie de Jésus. Ses premiers ouvrages ont soulevé des contradictions passionnées ; celui-ci ne rencontrera que des lecteurs froids et réfléchis ; c’est ce qu’il désire avant tout. Sans doute, il ne s’attaque plus aux croyances du christianisme orthodoxe, le sujet est infiniment moins grave ; mais ne fût-il question que du roi de Prusse, M. Strauss prend ses précautions. Choisissons, s’est-il dit, une figure historique par qui soit représentée la situation d’esprit que je dénonce, et choisissons-la dans des conditions telles que personne ne se croie intéressé à la défendre. Nulle passion fâcheuse ne viendra se dresser entre mon auditoire et moi, et la controverse sera féconde. Voilà un pamphlétaire bien allemand, si je ne me trompe, hardi et circonspect tout à la fois. Il poursuit gravement son but, et, pourvu que la discussion puisse porter ses fruits, il cachera son arme, s’il le faut, et renoncera aux brillantes aventures de la polémique.

Quelles sont donc ces idées dont M. Strauss désire si sérieusement le triomphe ? Deux ou trois idées fondamentales qui en contiennent beaucoup d’autres : la haine du passé, quand le passé s’obstine à revivre ; la haine de tous les apostats du présent ; la haine enfin, pour employer le mot allemand qui résume tout cela, la haine éternelle du romantisme. On appelle romantique, chez nos voisins, cette futile et dangereuse école qui, en politique et en religion, dans la littérature et les arts, a