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constitution imposée au conseil royal a donné à ce corps un caractère presque entièrement administratif, elle seule nous semble offrir des garanties réelles en ce qui touche à la composition du personnel d’un enseignement élevé. Sur ce point, comme sur bien d’autres, nous voudrions voir l’Académie devenir l’auxiliaire consultatif de l’Université.

L’Académie des Sciences est partagée en un grand nombre de sections correspondant à autant de spécialités. Lorsqu’il s’agit d’une nomination, d’une présentation quelconque, la section directement intéressée se forme en commission ; elle présente à l’Académie une liste de candidats dont elle expose les titres dans un rapport détaillé. Ce rapport est discuté avant le vote auquel prend part l’Académie entière. Or, on comprend qu’à côté de chaque section se trouvent dans les sections voisines des hommes parfaitement en état d’apprécier la tendance générale des travaux et la valeur réelle des candidats présentés. D’ordinaire les zoologistes et les médecins, les physiciens et les chimistes, peuvent très bien se juger réciproquement. Ce contrôle, toujours sévèrement exercé, et qui a parfois amené la cassation de l’arrêt des sections, impose à ces dernières une grande impartialité dans la formation des listes. De cette organisation il résulte que les jugemens de l’Académie présentent des garanties qu’on chercherait peut-être vainement partout ailleurs. Voilà pourquoi nous voudrions voir remettre entre ses mains le choix des hommes à qui la France confierait son présent et son avenir scientifique en leur conférant les fonctions de professeurs de faculté.

En résumé, le développement de l’instruction scientifique en France nous semble exiger : — dans toute l’étendue du territoire, des écoles primaires et des lycées où l’enseignement des sciences soit plus étendu et plus varié qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour ; — à Paris, une faculté où se professera la science pure, à laquelle se rattachera un enseignement professionnel complet, que dominera un Collège de France consacré à l’exposition des doctrines les plus élevées et ouvert à tous les inventeurs sérieux ; — en province, des facultés de deux classes et la création de centres secondaires reproduisant sur une échelle réduite l’ensemble des institutions de Paris ; — l’introduction parmi les professeurs de faculté d’une hiérarchie qui les attache à leur carrière et réveille chez eux l’émulation ; — la création d’inspecteurs spéciaux ; — enfin la nomination plus ou moins directe de ces inspecteurs et de tous les professeurs de faculté par l’Académie des sciences. Quand°la république aura réalisé ce programme ou tout autre analogue, elle aura beaucoup fait pour la science, et par conséquent pour la gloire et les intérêts de la France.


A. DE QUATREFAGES.