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accomplies depuis une dizaine d’années et très inégalement réparties entre Paris et les provinces, le fait général subsiste ; on ne saurait le méconnaître. Pour justifier cette assertion, il suffira de rappeler la prospérité toujours croissante des institutions préparatoires pour les écoles spéciales et surtout l’importance acquise en peu d’années par l’école centrale. Évidemment ces succès d’entreprises individuelles, destinées à compléter l’enseignement donné par l’état, accusent de sérieuses lacunes dans cet enseignement. Tous ces succès, l’enseignement privé les a obtenus en s’appuyant sur la science. C’est donc là qu’est le défaut réel de l’enseignement public. La réforme universitaire doit, avant tout, être scientifique.

Pour que cette réforme soit utile et durable, il faut se garder de procéder au hasard comme par le passé. Des améliorations isolées et sans lien entre elles ne sauraient réaliser les progrès exigés par l’intérêt du pays ; elles auraient pour résultat de rendre plus sensible le désaccord existant déjà entre des institutions qui presque toutes pèchent par insuffisance ou par excès. Il faut se faire un plan et procéder avec ordre. Il faut définir le but des divers établissemens où s’enseignera la science, afin d’établir une échelle dont chaque degré conduise à quelque chose de précis.

Une des plus justes exigences de la révolution est le devoir imposé à l’état de donner à tous l’instruction et l’éducation gratuites. Oui, il faut que l’enfant du dernier prolétaire puisse développer les germes que la nature a peut-être déposés dans son sein. Si son intelligence est égale à celle de ses maîtres, il faut qu’il puisse un jour venir siéger à côté d’eux jusque dans les salons de l’institut[1]. Au point de départ, tout doit donc être égal pour tous. L’instruction primaire doit être la large base sur laquelle reposera tout l’édifice universitaire. Cet enseignement devra sonder en tous sens les intelligences et s’assurer des aptitudes diverses. Il faut, par conséquent, que toutes les sciences y soient également représentées. Agir autrement serait s’exposer à perdre quelqu’une de ces gloires dont s’honore tout un pays. Rejeter de l’enseignement élémentaire la zoologie et la chimie, ce serait risquer de méconnaître un Cuvier ou un Lavoisier.

  1. Selon nous, l’état doit l’instruction élémentaire gratuite à tous les citoyens sans exception. Une fois cette tâche remplie, l’état ne doit prendre à sa charge que les enfans qui paieront un jour les sacrifices de tous par des services réels. Un système de bourses largement établi atteindrait ce but. Ces bourses seraient données à titre d’encouragement, ou mieux de récompenses nationales, à un certain nombre d’élèves vraiement distingués. Une appréciation sérieuse et reposant, non pas sur de courts examens ou sur des concours de quelques heures, mais sur l’ensemble des études, servirait de base pour la distribution des bourses. Il faudrait des bourses pour tous les degrés de l’enseignement. Ainsi le fils du plus humble ouvrier pourrait s’élever par son travail jusqu’à la hauteur sociale que mériteraient son intelligence et ses efforts soutenus.