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se reformer et d’être rejoints peut-être par les renforts venus d’Allemagne : ce ne serait donc ni le temps ni le lieu d’entamer des discussions sur le parti qu’on tirera de la victoire, tandis que la victoire n’est point encore assurée. La plupart semblent l’avoir compris. On a vu les municipalités de Parme, de Modène et des autres territoires devenus libres, soit par la déchéance de leurs souverains, soit par la retraite des impériaux, se constituer, à l’exemple de Milan, en gouvernemens provisoires, attendant le jour où l’Italie délivrée aura à délibérer sur ses destinées. Venise seule, ressuscitant des souvenirs restés chers à la mémoire du peuple, a proclamé la république. De ce fait isolé qui, d’après les déclarations des Vénitiens eux-mêmes, n’a du reste rien de définitif, faudrait-il conclure que l’Italie soit prête à retourner au système de morcellement qui l’avait conduite à la servitude et à reconstruire sa carte géographique du XVIe siècle ? Nullement. Ce serait ne tenir aucun compte des modifications profondes qu’a subies le génie italien sous l’influence des idées libérales et des progrès accomplis depuis quatre années. Nous avons vu l’école de M. Gioberti déterminer une tendance énergique à l’unité. Ce n’est donc pas de ce côté que se trouveraient les velléités qu’on semble redouter en ce moment. Faudrait-il y voir l’action du parti républicain ? Il existe, il est vrai, en Italie un parti républicain ; mais, loin de rêver le rétablissement des anciennes divisions, ce parti, lui aussi, veut avant tout l’unité. Il la veut si bien, que c’est pour avoir, pendant vingt ans, subordonné tout progrès, toute tentative de réforme à l’établissement de la république une et indivisible d’importation française, qu’il n’a pu, malgré des prodiges de courage et de ténacité, faire prévaloir ses principes, et prendre racine sur cette terre où les traditions de la liberté communale sont encore si vivaces. Des tentatives inintelligentes de retour vers le passé ne sont donc à craindre de la part d’aucune des deux opinions principales qui se partagent très inégalement les esprits, le parti constitutionnel et le parti républicain. Le danger est bien plutôt dans une lutte prématurée qui s’engagerait entre eux.

Le parti républicain ne forme encore qu’une minorité peu considérable, dans laquelle figurent surtout des exilés à qui l’amnistie de Pie IX, et en dernier lieu l’insurrection de la Lombardie ont ouvert les portes de leur patrie. Éloignés pendant de longues années, et tenus forcément en dehors du mouvement des esprits, ils ont eu le sort commun à toutes les émigrations. Leurs idées, demeurées stationnaires, n’ont point subi l’influence de ces modifications successives qui constituent le progrès de l’opinion publique dans le milieu national. Ils rentrent pour la plupart dans leur pays avec leurs principes arrêtés d’il y a quinze ou vingt ans, et confirmés d’ailleurs dans leurs espérances par l’avènement de la république en France. À leur tête est M. Joseph Mazzini. M. Mazzini est un esprit élevé et qui a le sentiment juste des besoins actuels de sa patrie. Le discours qu’il a adressé à l’Hôtel-de-Ville à M. de Lamartine au nom de l’association italienne partant pour la Lombardie en fournit la preuve ; dans sa proclamation aux Lombards, publiée dernièrement à Gênes et qui peut être considérée comme l’expression actuelle de sa foi politique, il s’est énergiquement prononcé pour le principe de l’unité, s’applaudissant, lui républicain, de l’incorporation de sa patrie à la monarchie piémontaise. Il n’est donc pas à craindre qu’entraîné par les vétérans de son parti et par une jeunesse aveugle,