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c’est que, si l’on adoptait ces idées, on pourrait immédiatement réduire des trois quarts l’armée que nous entretenons aujourd’hui en Afrique. Avec 7 ou 8,000 hommes par province, tenant garnison dans les villes pendant l’extrême hiver et pendant l’extrême été, et pouvant faire dans la belle saison des promenades militaires dans le pays avec les milices locales telles qu’elles sont aujourd’hui pour garder les villes en l’absence des troupes, il n’y aurait rien à craindre de sérieux. Quel intérêt auraient les Arabes à nous faire la guerre ? Aucun, puisque nous renoncerions à leur prendre leurs terres et à faire concurrence à leurs produits, puisque nous aurions à notre solde la partie remuante de leur population et leurs chefs les plus illustres, puisque nous éviterions avec soin tout contact qui pût les gêner dans leurs habitudes ou dans leurs croyances, puisqu’enfin ils ne nous connaîtraient que par nos bienfaits. Nous n’aurions affaire qu’aux fanatiques incorrigibles, dont le nombre est aujourd’hui bien diminué, depuis la mort misérable de presque tous les schériffs soulevés contre nous, depuis la soumission de Bou-Maza, de Ben-Salem et d’Abd-el-Kader. Pour ceux-là, nous serions toujours en état de les réduire.

Les grandes familles arabes compromises à notre service sont maintenant en majorité. Leur dévouement nous est assuré sous peine de mort, car elles seraient les premières victimes d’une insurrection. Les prêtres et les docteurs les plus influens ont accepté des traitemens de notre main. On a pénétré dans tous les détails de la société indigène, on en connaît et on peut en faire mouvoir au besoin tous les ressorts. En même temps, on a étudié la topographie du pays, qui était complètement inconnue il y a dix ans. Si l’on a soin de conserver en Afrique le plus grand nombre possible d’officiers et de soldats ayant déjà servi dans le pays, il y aura bien peu de passages dans les montagnes, bien peu de sites favorables à un campement, qui ne soient d’avance familiers à nos troupes. Le désert lui-même a perdu le prestige effrayant de l’inconnu ; on sait comment il faut y pénétrer et s’y nourrir, quelles en sont les principales étapes, à quelles époques de l’année on peut l’aborder avec succès. De distance en distance, on trouve des magasins, des casernes, des hôpitaux construits depuis peu d’années ; on rencontre des routes ébauchées, des camps abandonnés où il est facile de s’installer.

Grace à ces progrès, 25,000 hommes de troupes appuyées sur un égal nombre de milices et sur autant d’auxiliaires indigènes suffiraient pour maintenir la force morale de l’autorité française et pour étouffer les échauffourées locales qu’on ne parviendra que bien tard à prévenir complètement. L’expérience a prouvé qu’une colonne de 4,000 Français, accompagnée ou non de contingens arabes, peut passer partout et venir à bout de toutes les résistances. Qu’une pareille colonne puisse