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leur était permis d’obtenir et les instrumens du travail et leurs matières premières à bon marché !

Si précieuse que puisse être actuellement pour le trésor public la ressource que lui offre l’importation des produits fabriqués, ce n’est donc pas une ressource sur laquelle on doive compter beaucoup pour l’avenir. A mesure qu’on entrera dans la voie d’une réforme salutaire, les recettes dérivant de cette source tendront à s’affaiblir par degrés. De là naît une situation en apparence perplexe. Perçus sur les produits naturels dont le pays possède les similaires, les droits d’importation tendent à engendrer de toutes parts à l’intérieur des monopoles destructeurs de la fortune publique. Perçus sur les produits fabriqués, ils n’ont pas les mêmes inconvéniens, mais aussi ils s’affaiblissent par degrés et s’échappent en quelque sorte de nos mains. Dès-lors que reste-t-il pour asseoir d’une manière convenable et rationnelle le revenu de la douane ? Ce qui reste, ce sont les droits à percevoir sur les produits exotiques, c’est-à-dire sur les produits dont les similaires n’existent pas dans le pays.

Il y a des gens qui vous disent hardiment qu’il n’y a point de produits exotiques, que ces distinctions sont arbitraires, que tous les produits étrangers ont plus ou moins leurs similaires ou leurs équivalens dans le pays. Ne nous arrêtons pas à disputer sur les mots. Il nous suffit qu’il y ait un certain ordre de produits dont nous ne trouvons pas parmi nous les similaires directs, que nous appelons en conséquence exotiques, et qui, n’étant pas sujets aux mêmes lois que les autres, sont susceptibles de produire un revenu plus considérable et plus constant. Telles sont, par exemple, toutes les denrées dites coloniales, le sucre[1], le café, le cacao, le thé, les épices. Nous pourrions même y joindre les cotons bruts, les bois de teinture et d’ébénisterie, et beaucoup d’autres produits du même ordre, si ces produits n’étaient pas des matières premières qu’il importe de faire arriver sur notre marché à bas prix.

La distinction entre ces marchandises et celles que notre propre sol fournit est si peu arbitraire, en ce qui concerne particulièrement leur aptitude à grossir le revenu public, qu’elle se manifeste en quelque sorte d’elle-même dans tous les pays où il existe une douane régulière. Examinez les recettes de la douane chez la plupart des peuples de l’Europe, et vous verrez que partout les produits que nous nommons exotiques en fournissent la meilleure part. Cela est vrai même dans les pays, et ils sont en grand nombre, où les tarifs ont été dressés au hasard,

  1. Il y a quelques réserves à faire au sujet du sucre depuis l’établissement de la fabrication du sucre indigène ; nous y reviendrons.