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La situation est la même quant à la manufacture des laines, ou, s’il existe une différence, c’est en ce sens que cette industrie pourrait se contenter d’une protection encore moins forte. Pour les cotonnades, ce qui explique à certains égards les craintes des fabricans, c’est la supériorité connue de la fabrique anglaise, supériorité réelle, bien qu’on s’en exagère la portée. Pour les lainages, il n’existe pas même de raison semblable ; car il est permis de dire que, par rapport aux articles les plus importans, les draps, les mérinos, les étoffes diverses, les châles brochés et façonnés, la fabrique française est la première de l’Europe. Sans compter que le chiffre de ses exportations, qui s’est élevé à 108,600,000 fr. en 1846, s’accroît rapidement d’année en année, il est remarquable que ses produits trouvent leurs principaux débouchés dans les pays les plus avancés en industrie, dans ceux-là même dont elle semblerait devoir redouter la concurrence, en Angleterre, en Belgique, en Suisse, dans les pays qui composent l’association allemande et aux États-Unis. Il semble donc qu’à cette industrie un droit protecteur de 10 à 15 pour 100 devrait amplement suffire, surtout quand on l’aurait mise à même, pour les tissus communs, de fabriquer à plus bas prix. En portant ces droits, de même que les autres, à 23 ou 25 pour 100 de la valeur, comme essai, nous pécherions assurément par excès de précaution beaucoup plus que par défaut.

Rien d’aventureux, rien d’hypothétique, on le voit, dans ces combinaisons. On va du connu à l’inconnu avec méthode, et on procède à coup sûr. Dès-lors on peut aussi déterminer d’avance, au moins d’une manière fort approximative, l’influence que ces mesures exerceraient sur le revenu public. Si l’intérêt fiscal devait seul prévaloir, on a déjà compris que ce n’est pas par des droits de 22 à 25 pour 100 qu’il faudrait remplacer les prohibitions actuelles, mais par des droits de 10 à 15 pour 100 tout au plus. Avec le tarif que nous proposons, l’importation serait très médiocre et n’égalerait certainement pas celle des articles en chanvre et en lin. Elle excéderait pourtant, au moins dans les premières années, celle des soieries, qui ne s’est élevée, en 1846, qu’à 5,400,000 francs. Sans craindre de s’éloigner beaucoup de la vérité, on peut prendre une sorte de moyenne entre ces deux chiffres. Ce serait donc une importation annuelle d’environ 12 millions de francs en tissus de coton, et un peu moins en tissus de laine, sans compter les fils, dont l’importation s élèverait peut-être, pour le coton, à 15 ou 16 millions, et pour la laine à 5 ou 6 tout au plus. Ces importations réunies constitueraient ainsi un chiffre total d’environ 45 millions de francs, ce qui, à raison de 25 pour 100 de la valeur, produirait au trésor publie un revenu de 11 à 12 millions par an.

De ce que nous avons admis sous ce nouveau régime une importation raisonnable de produits fabriqués, en concluera-t-on par hasard que