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qui fit, après Colbert, le plus pour la gloire maritime et la puissance coloniale de la France. De nos jours, elle semble s’être révélée à nos hommes d’état, et si sur l’île de Basilan, au sud de Mindanao, ne flotte pas notre pavillon, on peut croire que les réclamations de la cour de Madrid, alarmée de voir une nation puissante et active s’établir aux portes de Manille, n’ont pas été étrangères à l’abandon momentané de ce projet. A Dieu ne plaise que nous souhaitions jamais l’affaiblissement de l’Espagne ! Quand le gouvernement espagnol manifeste la volonté de garder les Philippines, il montre qu’il sait apprécier et défendre les vrais intérêts de son pays. Malheureusement, entre cette volonté et le système d’administration pratiqué aujourd’hui dans l’archipel, il y a une contradiction flagrante. Notre intérêt est que cette contradiction cesse, et que, si le pavillon français ne doit jamais flotter aux Philippines, le pavillon d’un pays allié s’y fasse du moins craindre et respecter. C’est dans cette pensée que nous avons montré combien de causes de désordre et d’affaiblissement pèsent sur la domination espagnole aux Philippines. L’ambition de l’Angleterre ne saurait être mieux servie que par le maintien des déplorables traditions du régime qui soumet la société de Manille à l’influence monastique. La France, au contraire, doit désirer que ce régime change, et qu’à défaut de sa propre puissance, la puissance espagnole se consolide sur ce point de l’extrême Orient. C’est à l’Espagne de décider quelles sont entre ces vues si différentes celles qui s’accordent le mieux avec ses intérêts ; mais qu’elle se hâte : il en est temps encore ; qu’elle entre dès à présent dans le système des concessions et des réformes ; que les ministres qui régissent ses destinées appellent à eux les hommes capables et instruits de l’archipel. La question est grave, car il s’agit de conserver à la Péninsule une des bases les plus sûres de sa régénération comme de sa future prospérité.


TH. AUBE,

Officier de marine.