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de genre, a exposé cette année trois petits tableaux et trois portraits. La Partie de boules, le plus complet de ses trois tableaux, est peut-être par trop précieusement touchée. L’aspect de cette peinture, si amoureusement caressée, tient quelque peu de la peinture sur porcelaine, et la crudité des verts, la froideur des blancs et la vivacité de la lumière, également répandue sur toute la composition, ne modifient en aucune façon ce qu’a de fâcheux cette première impression. La touche du peintre est mieux accusée dans le tableau des Trois Amis, et le coloris a plus de franchise. Il y a bien un peu de maigreur dans l’exécution de quelques accessoires, mais enfin on reconnaît la griffe du maître, car M. Meissonnier est un maître.

Comme on devait s’y attendre, les portraits ont envahi, cette année, le Louvre en colonne serrée, et ce n’est pas la moins déplorable invasion. Ils apportent avec eux le ridicule et l’ennui ; c’est à mettre en fuite les plus intrépides. À de grands intervalles et comme par hasard, vous rencontrez dans cette foule une physionomie vivante, coquette, distinguée, fine ou réfléchie, vous reconnaissez que ce morceau est signé par MM. Édouard Dubuffe, Perignon, Belloc, Guignet, Cornu, Brune, Etex, Lehmann, Tyr, Amaury Duval ou Hippolyte Flandrin. Tels et tels personnages que ces artistes ont fait revivre vous arrêtent forcément, l’un par sa grande tournure, comme le général Pajol de M. Guiguet, l’autre par la pensée profonde qu’expriment l’œil ou l’attitude, comme le portrait d’homme de M. Amaury Duval ou la jeune fille de M. Hippolyte Flandrin.

Comme tout ce qui est sérieux et calme, la manière de M. Hippolyte Flandrin ne séduit pas au premier aspect et a besoin d’être étudiée ; mais que de force contenue. que de qualités réelles et attachantes, que de charmes sympathiques dissimulés sous une trop savante enveloppe, quelques instans d’attention ne font-ils pas découvrir dans ses moindres ouvrages, dans cette simple tête de jeune femme, par exemple, qu’il a exposée sous le no 1685 !

Si les portraits de choix sont en très petit nombre, en revanche les portraits estimables ne peuvent pas se compter. Le Pie IX de M. Goyet et le Larochejacquelein de M. Bazin peuvent être placés en tête de cette légion monotone ; ces deux personnages prennent, sous le pinceau de MM. Goyet et Bazin, des proportions bien vulgaires.

Les noms se pressent quand on veut parler des paysagistes de talent. Cette branche de l’art est cultivée aujourd’hui avec un rare succès par une nombreuse génération d’artistes qui peuvent être groupés en diverses tribus très distinctes. Les uns, comme MM. Paul Flandrin, Aligny, Benouville, Cabat, Desgoffe, Corot et Buttura, ne se servent de la nature que comme d’un motif à certaines variations poétiques d’un style ou sévère ou gracieux, mais toujours élevé. D’autres, comme