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du roi, juge d’instruction et juge en matière correctionnelle. Il est également chargé de la surveillance des prisons et doit diriger les travaux publics qui ont pour objet la réparation des routes et l’assainissement du district. Comme on voit, la police a beau jeu, et, s’il est vrai que le magistrat est parfaitement instruit de ses machinations, il est également vrai que le temps lui manque pour en rechercher la preuve et les réprimer. Il est constant que la police du Bengale est recrutée parmi les castes les plus viles, et qu’elle échappe complètement à la surveillance de l’autorité supérieure. Le maximum des peines correctionnelles ou de simple police qui peuvent être infligées par le magistrat est de trois ans de prison. Il y aurait bien quelques réflexions à faire sur l’étrangeté de cette législation qui donne pour juge à l’accusé celui-là même qui l’arrête et qui l’accuse, mais on aurait mauvaise grace à s’inquiéter de semblables misères, et, parmi toutes les choses qui sont à réformer dans le Bengale, il n’en est pas dont la réforme soit moins pressante que celle-là. Il y a un surintendant de police pour tout le Bengale. Ce fonctionnaire reçoit 120,000 francs par an, et il publie chaque année un rapport qui constate l’insuffisance de son département. Ce rapport pourrait être stéréotypé, et les services du surintendant seraient avantageusement remplacés par ceux de quatre magistrats. Ajoutons que le rapport de 1845 porte à 117,000 le nombre des crimes et délits qui ont été commis dans l’année.

On se tromperait fort si l’on croyait que les Anglais qui résident à Calcutta s’accommodent, pour leur propre compte, d’une organisation judiciaire si peu conforme aux principes de la raison et de l’équité. Les Anglais ne sauraient accepter de pareils abus, et, à Calcutta comme à Londres, il leur faut des juges, des avocats de Westminster. Une cour suprême, composée de trois juges choisis parmi les avocats les plus distingués du barreau de Londres, siège à Calcutta, mais elle réserve ses services à la population anglaise exclusivement. Les trois juges se partagent une somme de 500,000 francs par an, et le traitement de tous les officiers de la cour est sur un pied également libéral. Ce n’était point assez que ce tribunal fût revêtu d’un éclat exceptionnel, il fallait qu’il eût un avantage plus réel sur toutes les cours des districts qui sont à l’usage des indigènes ; en un mot, il fallait qu’il fût en possession de son libre arbitre. C’est pour cela que la cour suprême ne relève point de la compagnie, les juges et les officiers sont nommés par la reine, et presque tous les conflits qui s’élèvent entre le gouvernement local et les membres de la cour tournent à l’avantage de ceux-ci. La juridiction de la cour suprême de Calcutta s’étend, en matière civile, sur tous les habitans de la ville, et, en matière criminelle, elle s’étend sur tous les Anglais dans la présidence. La vieille expérience que les juges ont acquise en Angleterre, l’indépendance de leur caractère,