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ou le salaire au capital ; que le travail des bras, par une réaction qui frapperait les ouvriers eux-mêmes, ne prime le travail intellectuel, et que la corruption ne soit remplacée par la violence.

L’assiette de l’impôt conserve encore quelques traces du servage qui pesait, dans le dernier siècle, sur les rangs inférieurs de la société. Sans doute aucune classe d’hommes ne peut aujourd’hui s’exempter de la contribution que réclament les charges publiques : le clergé et la noblesse acquittent l’impôt ; les citoyens, grace à la suppression de la corvée et de la dîme, ne paient plus d’impôt qu’à l’état. Pourtant la répartition des charges n’est pas conforme à la stricte équité ; tous les citoyens n’y contribuent pas dans la proportion de leur fortune. Il y a des taxes qui se mesurent à l’importance de la propriété et du revenu ; il en est d’autres qui, dépendant de la consommation personnelle, représentent une véritable capitation. Le paysan se voit rançonné par la taxe du sel ; l’impôt indirect et l’octroi accablent de tout leur poids l’ouvrier et l’artisan dans les villes. Les contributions sont réparties, à certains égards, en raison inverse des facultés contributives ; on voit trop que les propriétaires ont fait la loi, et qu’ils l’ont faite dans leur seul intérêt. Sur ce point, la réforme paraît facile ; il n’est pas nécessaire de bouleverser la société, et il ne faut pas même se mettre en grands frais d’invention pour établir sur des bases plus équitables l’assiette de l’impôt.

La législation qui régit chez nous le commerce et l’industrie présente sans contredit des dispositions qui ont fait leur temps et des lacunes qui sont regrettables ; mais ces défauts trouvent leur explication dans le caractère de l’époque à laquelle remonte le système. Ces lois furent rendues sous l’empire, dans un mouvement de réaction ; elles accusent une déviation très prononcée des principes d’égalité et de liberté qui forment le trait distinctif de la société moderne. Ouvrez le code pénal et même le code de commerce : vous n’y verrez nulle part les droits de l’ouvrier placés sur la même ligne que ceux du maître ; l’esprit d’association y est gêné et non pas secondé ni dirigé par les règles qu’on lui pose ; enfin, le législateur ne semble pas plus avoir soupçonné l’importance du travail et du crédit qu’il n’avait deviné le rôle de création industrielle et d’expansion commerciale réservé à la vapeur.

Mais, pour redresser la tendance de nos lois, il suffit de les retremper dans leur source légitime. En rendant le travail libre, on le rendra fécond. Il n’est pas nécessaire, pour atteindre ce but, d’emprisonner la société dans les limites d’un phalanstère.

Pourquoi veut-on cependant reprendre aujourd’hui en sous-oeuvre les fondemens de l’ordre social ? Quel est le prétexte on le but d’une aussi étrange croisade ? Les novateurs ont arboré pour bannière ces mots ambitieux et équivoques Organisation du travail. Ce qu’ils entendent