Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/991

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des races en un corps homogène, et leur résistance à tout croisement, le premier a été sérieusement étudié par M. Frère ; le second a trouvé dans M. Michel un historien plus préoccupé malheureusement d’érudition que de philosophie. Nous essaierons à notre tour de discuter l’un et l’autre problème.


I

Dès qu’on remonte un peu haut dans les temps passés, les monumens deviennent muets ou pour le moins douteux. Les traces des très anciennes implantations d’hommes sont généralement effacées de la terre et de la tradition même. Pour les races formées comme pour l’individu, la première enfance est couverte de ténèbres ; à peine reste-t-il dans leur mémoire de vagues empreintes, l’image obscurcie de faits qui se détachent çà et là sur un passé confus. Quelques circonstances de ces premiers âges, presque les mêmes chez tous les peuples de la terre, se trouvent reproduites très tard dans leur histoire sous des traits plus ou moins altérés. Au milieu de ces doutes et de ces tâtonnemens, on agite des textes, on a recours à la science toute conjecturale des étymologies, on entasse des hypothèses sur des hypothèses. Il faut se garder sans doute de récuser les lumières qui peuvent sortir de la comparaison bien faite des langues primitives ; mais, comme ces langues ont été plusieurs fois corrompues ou transformées, comme quelques-unes ont entièrement disparu sans que la race qui les parlait se fût éteinte, on ne saurait attendre de la philologie qu’un concours limité. A nos yeux, la physiologie humaine donne seule les moyens de résoudre ce problème si difficile et si compliqué de la genèse des races ; c’est là et non ailleurs qu’il faut chercher les racines de l’histoire. Il y a sur ce terrain de nouvelles fouilles à entreprendre.

Pour analyser, par exemple, les élémens de la nation française, il serait nécessaire de grouper les familles qui présentent entre elles des caractères de communauté de race, de rapporter à des types constans la physionomie plus ou moins fugace des habitans de nos grandes villes et de nos provinces : on verrait alors reparaître, sous une population mêlée, les couches antédiluviennes de notre histoire. — Les déluges ici, ce sont les invasions.

Il importe d’abord, si on veut arriver dans cette voie, à une détermination un peu exacte, de fixer l’ordre de succession et de superposition des races qui ont recouvert le sol des Gaules : sous toutes les autres couches on découvre la famille celtique. C’est là le fond, le roc primitif de la population française. L’ancienneté de cette première formation, les attaches et les affinités que les Celtes avaient contractées avec le sol, les firent regarder long-temps comme autochthones. On sait maintenant