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des nations au développement du système nerveux ce sont les physiologistes. A côté d’eux, et dans une direction opposée, nous rencontrons les historiens. Ces derniers étudient les antiquités de chaque race dans les productions littéraires, dans la linguistique, dans les mœurs ! Deux tendances solitaires, — dont l’une néglige trop les enseignemens de la parole écrite, dont l’autre sacrifie l’étude des caractères physiques, ce langage de la nature, — ne peuvent aboutir qu’à des résultats incomplets. Il faut mêler les lumières, si l’on veut éclairer les profondeurs de cette question obscure. Entre la physiologie et l’histoire, nous proposerions volontiers une alliance féconde qui renouvellerait, à propos des races humaines, les bases mêmes de la philosophie pratique. Pour prouver combien cette alliance est nécessaire, nous n’aurons qu’à rapprocher l’un de l’autre deux ouvrages qui résument assez nettement les défauts comme les qualités des deux écoles entre lesquelles se partage aujourd’hui l’étude des questions de race. Avec M. l’abbé Frère, nous verrons quels services la physiologie pourrait sur ce point rendre à l’histoire ; avec M. Francisque Michel, nous aurons à montrer quel rôle l’histoire pourrait jouer, si on l’appliquait moins timidement que ne l’a fait cet écrivain à la solution de certains problèmes physiologiques.

Parmi ces problèmes, c’est un des plus épineux qu’avait choisi M. Michel en se proposant d’écrire l’Histoire des races maudites. Les races agissent sur le développement social de deux manières : par leur isolement ou par leur mélange. Il en est qui se prêtent au travail de fusion d’où résulte l’unité nationale ; il en est d’autres qui résistent obstinément à ce travail, et qui par cela même sont condamnées à un état d’infériorité voisin de la dégradation. Les unes sont les races privilégiées, les autres méritent le nom de races maudites. Pour bien comprendre la raison de ce fait, il faut étudier comment s’opère le passage de l’état barbare à l’état de civilisation. Ici déjà, on le voit, le concours de la physiologie et de l’histoire devient nécessaire.

L’état barbare résulte de la perpétuité de certains caractères physiologiques qui, à la faveur d’une vie isolée ou errante, se conservent dans un nombre plus ou moins grand de familles. L’état de civilisation tend, au contraire, à effacer, à modifier plus ou moins ces caractères. Plus une race est jeune, mieux elle conserve le signe de son individualité physique. Un tel état stationnaire tient à la prépondérance de la vie animale. Plusieurs naturalistes ont été frappés de la constance des fonctions chez les êtres privés d’intelligence. On découvre aisément les causes de ce phénomène : les penchans sont chez les animaux les principaux moteurs des actions ; or, les penchans se trouvent soumis comme les instincts à une loi invariable. La même loi se manifeste dans les premiers âges des peuples, alors que les inclinations physiques