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l’obstacle théorique, et il aplanit aujourd’hui l’obstacle vivant, qui se dressaient, depuis 1831, entre le marché belge et le marché français.

Je finis. Les probabilités et les faits que nous venons de passer en revue sont trop nombreux et trop distincts pour se grouper dans une conclusion précise. De cet ensemble résulte pourtant une donnée qui domine la nouvelle situation. La Belgique sort ou tend à sortir par tous les points de ce cercle d’anomalies où le hasard, l’inexpérience, l’esprit mal entendu d’imitation, l’ont maintenue pendant quinze années. A l’intérieur, les forces légales ne sont plus déclassées. Le parti libéral, si étrangement réduit jusqu’ici à représenter l’opposition systématique, le parti théocratique, qui se servait du pouvoir contre le pouvoir lui-même, la couronne enfin, que des nécessités officielles condamnaient à protéger ses adversaires contre ses amis, sont tous trois rentrés dans la vérité de leur rôle. Une réaction analogue s’accomplit dans le domaine des faits commerciaux. La Belgique se débattait entre deux systèmes douaniers également absurdes, l’un qui l’isolait entièrement de ses voisins an risque de l’affamer, l’autre qui la livrait sans contrepoids à l’alliance exclusive et essentiellement absorbante du Zollverein. Les déceptions douanières d’où sont sortis le traité prussien, le traité hollandais et la convention française ont ruiné de fond en comble le premier de ces systèmes, et la Prusse, par la maladroite naïveté de sa propagande, a porté le dernier coup au second, déjà répudié par les Flandres, c’est-à-dire par la majorité du pays. Le nouveau cabinet a entre les mains les matériaux d’une double reconstruction, et c’est à lui de les utiliser. Qu’il relie dans une communauté puissante et compacte les élémens déjà réconciliés, mais encore épars, du libéralisme ; qu’il donne pour pendant à l’union maritime avec la Prusse et la Hollande l’union douanière avec la France, et il aura fondé l’équilibre politique et l’équilibre commercial. Sa véritable lâche est là et non pas en d’absurdes préoccupations de politique extérieure que rien ne légitime, que rien n’explique même, et qui ne sauraient aboutir qu’à le compromettre au dedans après l’avoir ridiculisé au dehors.


GUSTAVE D’ALAUX.