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négocians de Liège, d’Anvers, d’Ostende, que leur spécialité commerciale porte à repousser tout ce qui nuirait aux importations de la Prusse et de l’Angleterre. Il faut donc rattacher à la cause du travail linier celles des autres industries qui trouveraient leur avantage à l’extension de l’alliance franco-belge, au premier rang les houilles et la métallurgie, et chercher dans l’arsenal du tarif belge quels dégrèvemens peuvent leur acquérir aussi l’agrandissement du débouché français. AÀ ce degré, le rapprochement des deux pays prend un nom que l’instinct des populations flamandes a encore deviné : l’union douanière.

Le défrichement et l’union douanière avec la France, voilà donc les véritables termes de la solution poursuivie. Hors de là, tout sera mécompte ou aggravation du mal existant. M. de Theux semblait avoir compris toute l’importance de la première de ces mesures. Une loi qui posait résolûment le principe de l’expropriation des landes communales, mais dont les principales garanties ont disparu devant les exigences de l’égoïsme local et d’un respect mal entendu des droits de la propriété, a été votée vers la fin de son administration. Le nouveau cabinet cherche, de son côté, à provoquer des associations agricoles, qui pourraient donner certaine unité à l’opération du défrichement ; mais de simples conseils, des encouragemens accessoires, tels que l’offre d’ériger, aux frais de l’état, des églises et des maisons d’école sur les terrains que la spéculation consentirait à mettre en culture, ces différens moyens, bons en temps ordinaire, sont bien insuffisans quand il s’agit de donner, dans les Flandres seules, une occupation immédiate à plus de cent mille indigens. Ce qu’il faudrait, c’est l’intervention directe de l’état, qui concentre déjà en lui-même toutes les ressources de l’association, et qui improviserait, en quelques mois, un ensemble de travaux dont vingt années peut-être ne verront pas la fin, si l’exécution en reste subordonnée aux craintes, aux tâtonnemens, à la fusion lente des capitaux privés. Il n’y a qu’une voix dans les Flandres pour sommer le gouvernement d’employer à cette œuvre urgente les millions qu’il est en train de gaspiller en de ridicules essais d’armement. Dans un moment où le remaniement du système électoral va provoquer forcément des élections nouvelles, le cabinet Rogier n’osera pas braver ces clameurs. Revenu de ses velléités belliqueuses, il sentira le besoin d’en obtenir l’oubli et de chercher, dans une alliance plus intime avec la France, intéressée à respecter dans la nationalité belge son propre ouvrage, les garanties que ne pourraient lui offrir ni un isolement qui nous rendrait cette nationalité suspecte, ni des alliances qui la placeraient en hostilité ouverte vis-à-vis de nous. Les Flandres, qui l’auront arrêté à temps sur la pente d’une fausse politique, sauront an besoin le pousser dans cette autre voie. Les questions d’existence passent avant les questions