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n’ont été, en effet, qu’une longue rétractation des principes qu’il avait jusque-là proclamés, une longue et infructueuse évocation des principes qu’il avait proscrits. Auteurs ou coopérateurs de toutes les mesures hostiles à la prérogative royale, M. de Theux et ses collègues s’étaient vantés de venir en aide à la couronne : , ils espéraient capter ainsi la bienveillance de ce groupe ultra-conservateur qui va de M. Dolez à M. Liedts, et ce groupe n’hésita pas, on s’en souvient, à se séparer momentanément de la couronne pour éviter toute apparence de solidarité avec la réaction ultramontaine. Représentans exagérés d’un parti qui avait naguère inscrit sur son drapeau ce cri de guerre électoral : « Il faut vaincre les libéraux en masse ! » ils s’étaient baptisés, en désespoir de cause, « libéraux modérés, » et n’ont réussi, par cet aveu suprême d’impuissance, qu’à réhabiliter, aux yeux des plus timides, une opposition où le libéralisme modéré avait ostensiblement le premier rôle ; les fonctionnaires eux-mêmes ont cru, dès ce moment, pouvoir s’affilier publiquement aux associations électorales. Derniers héritiers enfin d’un pouvoir issu du radicalisme, grandi par le radicalisme, ruiné par la défection seule du radicalisme, ils avaient pris texte de la présence des radicaux dans la coalition pour lui dénier toute liberté d’action, toute aptitude gouvernementale, et cette tactique a tourné, comme les autres, à leur entière confusion. Réduits par les provocations de la presse catholique à s’expliquer, les anciens doctrinaires n’ont pas hésité à repousser tout soupçon de solidarité avec les radicaux. La fraction plus avancée que dirige M. Verhaegen, et qu’on espérait acculer par ces provocations dans une neutralité suspecte, a pris une attitude plus tranchée encore ; sacrifiant son individualité politique au désir de maintenir l’union dans le groupe libéral de la chambre des représentans, en partie composé de conservateurs timides ou exclusifs, cette fraction s’est séparée avec une sorte d’apparat du club central l’Alliance, sous prétexte que le radicalisme y gagnait trop de terrain. Pour compléter enfin cette série de mécomptes, les radicaux, que le dédain affecté des deux fractions libérales semblait devoir refouler vers les catholiques, ont spontanément conservé à la coalition l’appui électoral qu’elle ne sollicitait pas. Ainsi, non content de se renier lui-même, non content de démontrer par l’impuissance de ses appels à fous les intérêts, à tous les principes, à toutes les susceptibilités, son irrémédiable discrédit, le parti catholique s’est trouvé fatalement conduit à mettre en évidence les garanties offertes par ses adversaires. Les opinions intéressées qui hésitaient, en face des divisions intérieures du libéralisme, à croire à sa viabilité, n’ont plus craint de rompre avec l’ancienne majorité, en acquérant la preuve que ces divisions n’offraient aucune chance de retour à celle-ci, et que radicaux et constitutionnels, au fort même de leurs querelles, savaient se réunir contre l’ennemi commun.