Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Suivre un chemin tracé par le doigt paternel ;
Et l’ordre plus parfait qu’établit en soi-même
L’ame qui suit sa loi librement et qui l’aime ;
Tout ce qu’en naissant homme il renonçait à voir,
Tout ce qu’il sauvera de l’infernal pouvoir.

Dans l’ame humaine ainsi quand tout orgueil s’abdique,
Dieu lui prête souvent un regard fatidique,
Et fait voir de son ciel les vives profondeurs
A qui ferme les yeux aux mortelles splendeurs.
Tel, ayant écarté l’orgueilleuse vipère,
Jésus rentre un moment dans le sein de son père,
Et, le verbe dans l’homme étant seul écouté,
Reprend possession de son éternité.
Il habite d’avance en la cité qu’il fonde
Et dans les temps meilleurs qu’il vient donner au monde.
Au lieu de ces palais de pierre et de limon
Et des trésors impurs offerts par le démon,
Dieu fait part, en son sein, du céleste royaume
Au fils du charpentier né sous un toit de chaume.

Oui, Seigneur, au milieu de leurs tentations
Vous donnez à vos fils de telles visions,
Montrant à l’ouvrier la splendide muraille
De la sainte cité pour laquelle il travaille.
Car le présent est rude, et, pour nous soutenir,
Ce n’est pas trop, Seigneur, de voir dans l’avenir.

Tout donc lui fut montré dans cette courte extase ;
Mais lui-même à sa lèvre arrachant le doux vase
Et quittant le festin par les anges servi,
Il reprit le sentier précédemment suivi,
L’âpre et l’étroit sentier qui bientôt le ramène
Aux labeurs acceptés de l’existence humaine.
Il rentre sous le toit de l’artisan obscur,
Il reprend les outils qui tapissent le mur,
Et rompt le pain grossier qui l’attend sur la table
Entre le plat d’argile et la coupe d’érable.


VIII.


Nul ne veut de ton joug que le Christ a porté
Et chacun te blasphème, ô sainte pauvreté !