Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/901

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VI.


Esprits immaculés d’amour et de lumière !
Astres vêtus encor de la candeur première !
Séraphins dans l’extase à jamais absorbés,
Vous qui ne luttez pas et n’êtes pas tombés !
Habitans de l’azur et des blanches étoiles !
Anges supérieurs qui, voyant Dieu sans voiles,
N’en pouvez éloigner vos cœurs un seul moment,
L’homme est plus grand que vous, il est libre en aimant !
Il peut, même au Seigneur, refuser ce qu’il donne ;
Il travaille lui-même à sa propre couronne ;
Il achète le ciel qui ne vous coûte rien,
Et, capable du mal, il accomplit le bien.
Des périls du combat c’est lui qui vous dispense.
Pour qui ne sait qu’aimer, l’homme veut, souffre et pense ;
Son front reçut pour tous, en sa noble pâleur,
Avec la liberté le bandeau de douleur.

Qui, de ton œuvre, ô Dieu ! la douleur est proscrite ;
Notre globe est le seul qui souffre et qui mérite,
Car toi tu ne veux pas, père tendre et clément,
Que même un vermisseau souffre inutilement.
Du sel de la douleur ta main fut économe,
Et tu l’as concentré sur le séjour de l’homme.
Ah ! quand nous y portons notre croix à genoux,
C’est trop, Seigneur, c’est trop, si ce n’est que pour nous !
Mais tous sont rachetés par nos larmes fécondes ;
Oh ! l’homme en verse assez pour payer tous les mondes !

Tous les anges aussi, par instans soucieux,
Sur l’astre des douleurs jettent d’en haut les yeux ;
Le trône de Dieu même et ses vivantes flammes
Ne leur font oublier ce calvaire des ames.
Oui, chaque être avec nous se relève ou s’abat ;
Le prix dépend pour tous de celui qui combat.

Mais du démon vaincu répandant la nouvelle,
Des messagers divins l’hosanna la révèle.
Le peuple des esprits, tous les purs habitans
De ces soleils où règne un éternel printemps ;