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dont il était le centre. Ses exigences rebutèrent ceux même de ses élèves qui lui étaient le plus attachés. On avait agité à plusieurs reprises le projet d’une édition de Platon, qui devait être publiée, sous sa direction, par Heindorf, MM. Boeckh et Emm. Bekker. Schleiermacher avait aussi promis de prendre part à ce travail. Le plus impatient était Heindorf. Jusque-là dévoué à Wolf sans réserve, il finit par se lasser de ses hésitations, et, après s’être assuré du concours de Buttmann, il annonça lui-même une édition de Platon. Comme il arrive aux personnes faibles qui s’arment une fois d’énergie, Heindorf apporta sans doute trop peu de ménagemens dans sa résolution. Wolf s’offensa de sa révolte, et, ayant eu à quelques années de là l’occasion de s’expliquer sur son compte, il le fit en termes sévères, dont l’effet fut d’autant plus fâcheux, qu’Heindorf à ce moment venait de mourir. Sous prétexte de venger sa mémoire, Buttmann et Schleiermacher publièrent contre Wolf une violente diatribe à laquelle adhérèrent Niebuhr, M. Boeckh, M. de Savigny[1]. Les choses furent poussées à l’extrême ; Buttmann prononça les mots de banqueroute littéraire. Entre beaucoup de témoignages contradictoires, il est difficile de démêler la vérité. On peut dire toutefois, sans crainte de se tromper, que c’est là une de ces affaires dans lesquelles tout le monde s’arrange de manière à avoir tort. Wolf, qui ne faisait rien pour prévenir ces éclats, en souffrait du moins vivement. Il s’en plaignait à ses amis restés fidèles. M. Varnhagen d’Ense a conservé de touchans souvenirs de ces épanchemens.

Il ne faut pas croire, malgré tout, que cette partie de la vie de Wolf ait été complètement perdue pour les lettres. Il avait toujours pris un grand intérêt aux progrès de la langue allemande ; il ne voulait pas s’avouer que les études philologiques eussent pu en arrêter le développement, et ne concevait pas que des hommes qui devaient être familiers avec toutes les ressources du style fussent si peu exigeans pour le langage dont ils se servaient. Afin de montrer comment le travail des traductions pouvait tourner au profit de la littérature nationale, il traduisit en vers les Nuées d’Aristophane, et du premier coup il surpassa Voss et rivalisa avec G. de Schlegel. Un peu plus tard il publia le recueil des Litterarische Analekten (1817), et écrivit en tête une biographie fort intéressante de Bentley. Il y avait entre Bentley et lui plus d’un rapport qui avait dû déterminer son choix. Le biographe, en retraçant les principes de critique qu’avait suivis son devancier, eut souvent l’occasion d’exposer ses vues personnelles. La même prédilection le porta à donner une notice sur Jer. Markland. Wolf enrichit aussi les Litterarische Analekten de dissertations ingénieuses sur quelques passages contestés d’Horace. Ce ne sont là cependant que des productions secondaires.

  1. Buttmann und Schleiermacher über Heindorf und Wolf. Berlin, 1816.