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l’œuvre d’un faussaire qui s’était caché sous son nom. Il s’est fait depuis une réaction plus sérieuse. La correspondance de Cicéron et de Brutus, qui avait été la première sacrifiée, a trouvé un ardent défenseur dans M. C. F. Hermann. Il y a lieu de croire que cette révision d’un procès qui semblait décidément jugé marquera un point d’arrêt dans les progrès du scepticisme, et qu’on reviendra ainsi à travers le doute à une foi plus éclairée.

Ces dernières années, bien qu’assez orageuses pour Wolf, avaient été du moins à l’abri des troubles politiques. Tant que le contre-coup de la révolution française ne se fit sentir à Halle que comme un écho lointain, l’émotion qu’elle causa fut plus favorable que nuisible aux travaux de l’intelligence. On trompait le besoin d’agir que chacun éprouvait vaguement en apportant dans les spéculations plus d’indépendance et d’ardeur. Peu à peu cependant, le bruit se rapprocha. En 1806, la Prusse rompit brusquement sa neutralité ; un mois après, les Français triomphaient dans les plaines d’Iéna de toute la monarchie prussienne, et le lendemain Bernadotte taillait en pièces à Halle la réserve commandée par le prince de Wurtemberg, tandis que le gros de l’armée devançait à Berlin le bruit de ses victoires. Wolf fut peu surpris de ces événemens. Il ne s’était pas associé aux espérances imprudentes qui avaient enivré la nation ; il ne partagea pas davantage la consternation générale. Cette conduite le rendit suspect aux patriotes. Afin d’appeler l’intérêt de Bernadotte sur l’université, il avait cru pouvoir lui offrir un exemplaire d’une édition de l’Iliade qu’il venait de publier avec un grand luxe. On l’accusa d’avoir enlevé la page qui contenait une dédicace au roi Frédéric. Wolf nia le fait ; rien ne l’eût empêché de l’avouer, car ce pouvait être un ménagement pour le nom même du roi. Nous ne mentionnerions pas ce détail insignifiant, s’il ne fût devenu pour Wolf l’occasion d’une nouvelle polémique. Un professeur qui le premier avait tenu ce propos, mis au défi de soutenir son dire, publia une brochure ; Wolf y répondit aussitôt, et, par la rigueur de son enquête, par ses détours captieux, par un mélange habilement calculé de colère et de raillerie, dans une affaire digne de la petite Ville de Picard, il sut s’élever au ton des mémoires de Beaumarchais.

Wolf était resté à Halle tant que le sort de cette ville fut incertain ; il la quitta au moment où elle allait être incorporée au royaume de Westphalie. Nous le retrouverons à Berlin.


III

Est-il donc si difficile de vieillir ! Wolf, lorsqu’il se rendit à Berlin (1807), était dans la force de l’âge et dans tout l’éclat de sa renommée ;