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pour en donner une édition le discours de Démosthène contre Leptime (1789). C’était un moyen de pénétrer dans la vie publique des Athéniens, de jeter quelque jour sur leur législation si changeante, de savoir ce que leur coûtaient annuellement le soin de leur défense et leur amour pour les arts. Wolf compléta en les rectifiant les travaux de Barthélemy et de Toureil, et prépara la voie qu’a suivie depuis M. Boeckh dans son livre sur l’Économie politique des Athéniens.

L’émotion causée par les Prolégomènes commençait à s’apaiser. Wolf, las du repos, jeta bientôt un nouveau défi à l’opinion publique. Dans l’intervalle, son assurance avait encore grandi : ses affirmations sont plus absolues, ses paradoxes plus hautains. Il ne fit cependant pour commencer que reprendre une thèse soutenue déjà par un critique éminent. Vers la fin du XVIIe siècle, Bentley avait mis le scepticisme à la mode par ses argumens sans réplique contre les prétendues lettres de Phalaris, de Thémistocle, de Socrate, d’Euripide. On eut l’idée de soumettre à la même épreuve les correspondances des Latins, et, à l’occasion d’une querelle qui s’était élevée entre deux savans anglais sur la valeur historique des lettres de Cicéron et de Brutus, Markland déclara également apocryphes les quatre discours que l’orateur romain prononça à son retour de l’exil. Gesner avait repoussé les attaques de Markland, et avait eu le dernier mot. Wolf crut, dans ces discours, démêler les signes d’une falsification manifeste ; il en publia le texte en joignant de nouveaux argumens à ceux de Markland, qu’il réimprima ainsi que l’apologie de Gesner. Nous n’essaierons pas de résoudre la question ; mais, sans exiger des anciens non plus que des modernes qu’ils soient toujours égaux à eux-mêmes, on peut bien dire qu’on enlèverait peu de chose à Cicéron en retranchant de ses œuvres ces quatre discours, dont le second n’est qu’un écho affaibli du premier, dont le troisième surtout est fort indigne de la prédilection que Cicéron témoigne dans une lettre à Atticus. Cette considération pouvait être décisive si Wolf s’en fût tenu là, s’il n’eût suscité une nuée d’imitateurs qui prirent un plaisir puéril à retourner la critique contre tous les écrivains de l’antiquité. Wolf montra bientôt lui-même combien la pente est glissante en publiant dans les mêmes vues le Discours pour Marcellus. Le Discours pour Marcellus avait tenu jusque-là dans les œuvres de Cicéron la place qu’on pourrait assigner parmi les oraisons funèbres de Bossuet à l’éloge du grand Condé. Dès-lors, il fallait renoncer à toute certitude ; tout était frappé de suspicion ; il fallait se garder d’admirer les chefs-d’œuvre les mieux consacrés, sous peine d’être le lendemain embarrassé de son admiration. Heureusement ce pyrrhonisme littéraire se discréditait par ses excès mêmes. Peu de temps après le dernier manifeste de Wolf, Weiske, faisant une application ironique de ses principes, démontrait que les attaques contre Cicéron, fort indignes de M. Wolf, étaient