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L’intolérance religieuse de l’Angleterre a éprouvé encore une autre défaite par le vote du bill d’émancipation des juifs. Une forte majorité en a consacré le principe dans la chambre des communes ; on ne saurait encore prédire avec certitude ce qui en adviendra dans la chambre des lords, où siègent les évêques ; il est probable que l’opposition y sera plus forte que dans les communes, mais pas assez pour faire rejeter la mesure. La discussion engagée sur ce sujet a été l’occasion de la dislocation définitive du parti protectioniste, dernier débris de l’ancien parti tory. Lord George Bentinck, qui avait consacré tant de zèle et de courage à maintenir cette relique, a été assez brutalement destitué de ses fonctions, pour avoir usé une fois de son libre arbitre. Les protectionistes, qui se composent principalement de protestans zélés, n’ont pu lui pardonner d’avoir voté pour la liberté de conscience dans le bill d’émancipation des juifs. Ils se sont donné pour chef un homme de grande famille, mais du reste complètement nul en politique, le marquis de Granby, fils aîné du duc de Rutland. Ce parti avait dans son sein deux hommes de valeur, lord George Bentinck et M. Disraeli ; il les a frappés tous les deux d’ostracisme, et s’est ainsi enlevé ce qui lui restait de force. Aujourd’hui, il n’a plus de raison d’être, et dans quelque temps il n’existera plus qu’à l’état de souvenir.

Il y a dans les dernières nouvelles reçues des États-Unis des leçons instructives. Le gouvernement de l’Union nous est souvent présenté comme le type des gouvernemens libres et constitutionnels ; il est bon de voir lequel des deux systèmes, celui de la monarchie ou celui de la république, offre, en effet, le plus de garanties. Ainsi, dans une de ses dernières séances, le sénat américain a voté une résolution portant que « la guerre avec le Mexique avait été commencée sans nécessité et inconstitutionnellement par le président des États-Unis. » Si un vote de cette nature se rencontrait dans des chambres françaises ou anglaises, qu’arriverait-il ? Les pouvoirs électifs ne se trouveraient point en collision avec le pouvoir royal, parce que le pouvoir royal est irresponsable : la censure serait dirigée contre les ministres, et il resterait à la couronne le choix entre un appel au pays et un changement de ministère ; mais le président des États-Unis est, comme on l’a dit, un premier ministre inamovible pour quatre ans, qui ne peut être changé ni par un souverain, ni par un parlement. Pendant ces quatre ans, il exerce une autorité bien plus arbitraire que ne peut l’être celle d’un roi constitutionnel. Dans le cas actuel, par exemple, le président des États-Unis poursuit très tranquillement une entreprise qu’une des branches de la législature frappe d’un blâme formel. Si on lui refuse des troupes régulières et des subsides, il peut faire à discrétion des levées de volontaires, et c’est en effet ce qu’il fera. La moitié de l’armée qui a pris et qui occupe le Mexique est composée de volontaires ; le président continuera la guerre de cette façon tant qu’il sera au pouvoir et en dépit de toutes les protestations des chambres.


Les ouvrages de M. Guizot ont déjà un quart de siècle ; ils ont aujourd’hui conquis leur place définitive : ils sont entrés dans cette première postérité, la plus vraie peut-être, quand elle l’est, et qu’on peut appeler la postérité contemporaine. Tout a été dit sur ces ouvrages, et l’on comprend, de reste, que nous ne voulons pas revenir ici sur des jugemens portés si souvent et avec tant d’autorité ; nous voulons seulement faire remarquer, à propos de la nou-