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d’avertir les églises du nouveau danger qui les menaçait, les conjurant de résister à un entraînement qui ne pouvait aboutir qu’à leur ruine. Si le calvinisme, tel que l’avait organisé Duplessis par l’édit de Nantes, devenait une faction et l’instrument aveugle de l’aristocratie, non-seulement il creusait sa perte, mais encore il mentait à son origine et se déshonorait dans l’histoire. Duplessis voulut faire comprendre aux églises que le meilleur moyen de conserver une juste influence dans le gouvernement de la reine était d’intervenir pour elle, d’embrasser ouvertement sa cause contre les séditieux, qu’ils s’appelassent Vendôme ou Condé, et de se rendre ainsi non-seulement utiles, mais indispensables à l’état. Un sentiment de défiance envers le calvinisme, malheureusement justifié par ses fausses démarches de l’année précédente, jetait la reine dans les bras de l’Espagne. Marie de Médicis, en guerre ouverte avec tous les grands du royaume et osant à peine se promettre la neutralité des réformés, était réduite à chercher au dehors un point d’appui pour son trône ébranlé. Ce fut une faute presque nécessaire ; Duplessis-Mornai le comprit bien ; mais, loin de se décourager, il espéra ramener encore l’assemblée de Grenoble à un sentiment plus vrai de la situation, et, d’accord avec le maréchal de Lesdiguières, il adressa, le 12 septembre 1615, un dernier appel à la prudence des députés de la religion.

Duplessis pensait avec raison qu’il n’était plus temps d’empêcher le mariage du roi, et qu’il fallait seulement aviser aux moyens légitimes de détourner les plus funestes résultats de cette union. La reine, après l’accomplissement du double mariage espagnol, se trouverait sans doute disposée à traiter avec M. le prince, qui, de son côté, n’attendait qu’un prétexte honorable pour renouer avec la cour ; le duc de Bouillon abandonnerait son parti et le vendrait sans scrupule pour entrer dans les conseils du roi. M. de Mayenne était l’ennemi irréconciliable de ceux de la religion. Que devaient faire les églises en ces circonstances ? Se tenir en posture ferme pour appuyer les justes remontrances de M. le prince et leurs propres requêtes : intervenir dans la négociation, non tant comme adjoints que comme concurrens, pour sauvegarder leurs libertés et les droits de l’état. En favorisant non la révolte des princes, mais leur réconciliation, les calvinistes, dit Mornai, peuvent obtenir que les alliances naturelles de la France ne soient point sacrifiées, mais ratifiées et effectuées comme sous le feu roi ; que les Espagnols ne puissent, sous aucun prétexte, venir à la suite de la jeune reine, comme les Florentins avec les Médicis, envahir les charges, les bénéfices et jusqu’aux conseils du roi, et qu’enfin les édits accordés à ceux de la religion soient maintenus, sans qu’on y puisse contrevenir sous aucun prétexte.

Cette conduite, adroite et digne à la fois, pouvait encore sauver le parti ; mais la froide raison de Duplessis ne put contenir les bouillonnemens d’une jeunesse impatiente de combats et avide de périls. L’assemblée rompit ouvertement avec Lesdiguières, qui défendait avec trop de hauteur les intérêts de la cour, et se transporta d’elle-même à Nîmes, ce qui équivalait à une déclaration de guerre. En même temps, le jeune duc de Rohan essayait, en Poitou et en Gascogne, une intempestive levée de boucliers. Le mariage du roi, qu’il espérait retarder en coupant le chemin à la cour qui se rendait à Bayonne, fut célébré en octobre, et le parti calviniste se trouva compromis dans une démarche sans issue honorable. Duplessis ne put déguiser sa profonde tristesse et ses inquiétudes pour un trop prochain avenir. Le calvinisme venait de donner à ses ennemis le prétexte