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Ce ressort si puissant, l’ame de la nature,
Était enseveli dans une nuit obscure
Le compas de Newton, mesurant l’univers,
Lève enfin ce grand voile, et les cieux sont ouverts.
Il découvre à mes yeux, par une main savante,
De l’astre des saisons la robe étincelante :
L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis,
Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits.
Chacun de ses rayons, dans sa substance pure,
Porte en soi les couleurs dont se peint la nature ;
Et, confondus ensemble, ils éclairent nos yeux,
Ils animent le monde, ils emplissent les cieux.

Confidens du Très-Haut, substances éternelles,
Qui brûlez de ses feux, qui couvrez de vos ailes
Le trône où votre maître est assis parmi vous,
Parlez : du grand Newton n’étiez-vous pas jaloux ?

La mer entend sa voix. Je vois l’humide empire
S’élever, s’avancer vers le ciel qui l’attire ;
Mais un pouvoir central arrête ses efforts
La mer tombe, s’affaisse et roule vers ses bords.

Comètes que l’on craint à l’égal du tonnerre,
Cessez d’épouvanter les peuples de la terre.
Dans une ellipse immense achevez votre cours ;
Remontez, descendez près de l’astre des jours ;
Lancez vos feux, volez, et, revenant sans cesse,
Des mondes épuisés ranimez la vieillesse.

Et toi, sœur du soleil, astre qui dans les cieux
Des sages éblouis trompais les faibles yeux,
Newton de ta carrière a marqué les limites ;
Marche, éclaire les nuits, tes bornes sont prescrites.

Que ces objets sont beaux ! que notre ame épurée
Vole à ces vérités dont elle est éclairée !
Oui, dans le sein de Dieu, loin de ce corps mortel,
L’esprit semble écouter la voix de l’Éternel[1].

Ces beaux passages font comprendre que la nouveauté des révélations de la science peut être pour la poésie une inspiration puissante, féconde, lui offrir un autre merveilleux qui la transporte. Ils contribuèrent sans doute puissamment, avec le mouvement même des découvertes, à éveiller chez beaucoup d’imaginations poétiques l’ambition de donner à la France quelque grand poème dont les merveilles de la science fussent le sujet.

  1. Voltaire, Épitre XLIII, à madame la marquise du Châtelet, sur la philosophie de Newton.