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nécessaire, je me dirigeai donc vers les mines qui avoisinent Guanajuato. J’étais seul, mais à cheval et bien armé. Mon guide devait être le premier passant que je rencontrerais sur ma route. J’étais arrivé sur la grande place de Guanajuato, et je longeais les maisons, la tête levée et l’œil au guet, quand un objet bizarre attira mon attention. Contre le mur de l’une des maisons et sous un auvent de quelques pouces de large, une main était clouée sur la pierre. J’arrêtai mon cheval pour m’assurer que je n’avais pas sous les yeux quelque emblème de plâtre. Il ne me fallut qu’un moment d’examen pour me convaincre que cette main était bien une main humaine, jadis forte et musculeuse, maintenant blanchie et desséchée par le vent, le soleil et la pluie. Sous l’auvent, plusieurs chandelles à moitié consumées attestaient que des ames pieuses s’étaient attendries devant cette étrange exhibition, qui semblait destinée à perpétuer le souvenir de quelque drame sanglant. Après avoir cherché en vain sur la muraille la trace d’une inscription explicative, je me décidai à continuer ma route ; mais, pendant ma courte halte, un cavalier s’était rapproché de moi, et mon cheval avait à peine fait quelques pas, que cet homme, éperonnant sa monture, parut vouloir me suivre de fort près. En tout autre moment, j’eusse accepté d’assez mauvaise grace la compagnie de cet inconnu ; mais j’étais sorti, on s’en souvient, en quête d’un cicerone. J’arrêtai donc mon cheval, décidé à questionner l’inconnu. Celui-ci, me saluant avec courtoisie, ne m’en laissa pas même le temps.

— Vous êtes étranger, seigneur cavalier, me dit-il en souriant.

— Eh ! qui peut vous le faire croire ? repris-je un peu surpris de cette brusque façon d’entamer l’entretien.

— La persistance que vous mettez à regarder cette main desséchée m’indique assez que vous êtes nouveau venu dans la ville et que vous avez du temps à perdre. Avouez que pour moi, qui cherchais précisément un compagnon de promenade, votre rencontre est une bonne fortune.

Je ne savais plus trop si je devais accepter avec beaucoup d’empressement le guide qui m’offrait si familièrement sa compagnie. L’inconnu remarqua mon hésitation, et se hâta d’ajouter avec une certaine fierté :

— Vous ne me connaissez pas ; je ne veux pas vous laisser croire plus long-temps que vous avez affaire à quelqu’un de ces pauvres diables pour qui la rencontre d’un étranger est une occasion de placer leurs services. Mon nom est Desiderio Fuentes. Je suis mineur, et dans la profession que j’exerce, s’il y a des jours où la fortune semble impitoyable, il y en a d’autres où les piastres s’amassent tellement sous votre main, qu’on ne sait plus comment les dépenser. Je suis dans un de ces jours-là, et mon habitude est en pareil cas de chercher quelque joyeux compagnon qui veuille bien prendre sa part de mes plaisirs. Si