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épigrammes et signala tous ses péchés du jour, comme la Revue historique flétrissait ceux du passé. Enfin, le comité de centralisation avait distribué, sous forme de questions longuement expliquées, une espèce de catéchisme insurrectionnel que tout démocrate devait posséder. La première de ces questions montre la portée des autres Quelles sont les ressources intérieures du peuple polonais, au point de vue social et politique ?

Ce n’était pas seulement sur les livres, c’était sur les hommes que la Société démocratique fondait son espoir et sa force. Nulle association de ce genre-là n’a peut-être compté de cœurs plus fermes, de plus hauts caractères. Tout ce que je viens de redire, toute cette guerre incessante, tout cet invincible progrès, tout cela s’est accompli avec un nombre de personnes proportionnellement médiocre, avec des ressources d’argent plus que bornées, mais aussi, que la Pologne ne l’oublie pas, avec l’aide irrésistible d’un dévouement infini. Pendant que les démocrates réfugiés sur le sol étranger gagnaient eux-mêmes leur vie, sans vouloir de subventions ni d’aumônes, sans se mêler aux affaires politiques du pays qui leur donnait l’hospitalité, l’ame uniquement tendue vers la Pologne, toujours à la disposition- du comité suprême de propagande, les démocrates envoyés comme émissaires sur le sol de la patrie jouaient leur tête en silence et mouraient ignorés au coin des bois, sous la neige, au fond des précipices, épuisés de froid ou de faim, frappés par la lance d’un Cosaque ou par la balle d’un gendarme.

Que tant de dévouement soit aujourd’hui perdu, c’est impossible à penser. La catastrophe de Posen et de Cracovie ne doit être considérée que comme un accident qui a prouvé la nécessité de la propagande intellectuelle, en démontrant l’inutilité des coups de main sanglans. La Société démocratique n’est point enfermée à Berlin, dans la prison de Mieroslawski ; elle n’a point rendu l’ame sur l’échafaud de Lemberg, avec Wisniowski et Kapuscinski. La Société démocratique est restée debout, malgré la chute de ces nobles victimes, et sans doute elle a recueilli les enseignemens que lui apportait leur douloureuse destinée. Elle a compris qu’il fallait se rattacher plus étroitement aux anciennes leçons de Mochnacki, embrasser comme deux devoirs sauveurs la patience et la concorde. La patience lui viendra, car si jamais il a été clair qu’on ne peut nulle part se dispenser de s’accommoder à la lenteur des esprits et du temps, c’est après le démenti donné par les paysans de Posen et de la Gallicie aux espérances des patriotes. La concorde lui