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ame à l’âpre bonheur qu’elle avait commencé à connaître le jour où M. de Champguérin s’était arrêté avec elle, près de la Grotte-aux-Lavandières. Quant au petit baron et à l’abbé, ils avaient gardé un vif souvenir de cette promenade, et énuméraient avec transport les espèces rares qui se rencontraient dans le vallon l’un y avait considérablement enrichi sa collection de coléoptères, l’autre y avait trouvé sa chardonnerette jaune et beaucoup d’autres mauvaises herbes infiniment précieuses à ses yeux. La Graponnière conservait un souvenir moins agréable de sa visite à Champguérin, il ne cessait de répéter entre ses dents que le château neuf n’était qu’une vaste maison fort délabrée et à laquelle n’aboutissaient que des chemins impraticables. Le marquis seul ne songeait plus à ce grand voyage d’une demi-journée, et semblait avoir complètement oublié ce parfait gentilhomme dont il se disait le plus passionné serviteur et qu’il assurait si majestueusement de son très humble respect.

M. de Champguérin ne tarda pas cependant à reparaître à la Roche-Farnoux et par une inconséquence naturelle à la plupart des vieillards, le marquis le reçut avec d’aussi grands empressemens que s’il eut impatiemment attendu sa visite.

— Mon voisin, lui dit-il familièrement, je prétends qu’aujourd’hui nous dînions ensemble. je vous retiendrai ensuite cette après-midi pour tenir compagnie à mes nièces et c’est à grand peine que je me déciderai à vous laisser partir après souper.

— Vous me comblez, monsieur le marquis ! s’écria M. de Champguerin évidemment fier et charmé de cet accueil.

— Nous tâcherons, monsieur, que cette journée ne vous paraisse trop longue, dit Mme de Barjavel d’un air gracieux ; vous partagerez nos amusemens, lesquels se bornent à quelques parties de cartes et à des promenades aux environs du château.

— Ce sont toutes les distractions que nous pouvons vous offrir, ajouta Mlle de Sain-Elphège avec une expression de regret ironique

— Je vous assure, monsieur, qu’on vous cache la moitié de nos passe-temps, dit Clémentine d’un air d’enjouement timide d’abord il y a la musique ; l’après-midi, ma belle-tante chante souvent en s’accompagnant sur le clavecin ; le soir, on découpe des images ou bien on fait de la parfilure. Alors mon cousin, M. l’abbé, M. de La Graponnire lui-même, tout le monde enfin travaille, c’est très amusant !

— Par exemple : nous nous endormons tous sur notre ouvrage, murmura le petit baron.

— Il suffirait assurément de la compagnie que je rencontre que je rencontre ici pour me faire paraître la journée fort courte et me tenir lieu des distractions les plus agréables, répondit courtoisement M. de Champguérin.

— On m’a assuré, monsieur, que vous chantiez supérieurement et