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de tous leurs voeux, le but de tous leurs efforts, c’est un remaniement général des territoires. Que le parti radical en Europe embrasse franchement leur cause, nous le comprenons parfaitement bien, nous trouvons cela très naturel et même très légitime ; mais ceux qui veulent seconder en Italie un mouvement de progrès légal, pacifique, régulier, ne sauraient s’associer à cet entraînement. La politique de la France, celle qui a été consacrée dans la chambre des pairs par un vote unanime, et à laquelle la chambre des députés vient de donner une égale sanction, c’est d’appuyer les réformes accomplies par un accord commun des souverains et des peuples. C’était évidemment la seule politique qui convint et à la France et à l’Italie elle-même ; cela est si vrai que M. Thiers, en montant aujourd’hui à la tribune pour attaquer la conduite du gouvernement, n’a pu trouver à lui tracer une autre ligne que celle qu’il a suivie. M. Thiers s’est laissé cette fois encore guider par sa raison ; il s’est bien gardé de faire de la politique révolutionnaire, il a repoussé toute idée de guerre et de propagande ; enfin il a cherché à habiller de quelques paroles d’opposition un discours au fond tout-à-fait ministériel. La réponse de M. Guizot était facile ; elle se bornait à déclarer que tout ce que M. Thiers venait de dire, le gouvernement l’avait fait. M. Thiers lui-même l’aurait-il mieux fait ?

Cette grande œuvre à laquelle le concours de la France sera toujours assuré est déjà en pleine voie d’accomplissement ; le pape a le premier donné l’impulsion ; les souverains du Piémont et de la Toscane ont suivi le mouvement ; ils ont écouté et leurs propres inspirations et les conseils de leurs plus sincères alliés. Si d’autres ont fermé l’oreille à ces avertissemens, ils en sont aujourd’hui punis, et c’est justice. Les événemens qui se passent en ce moment dans le royaume des Deux-Siciles sont une leçon ; ce ne sont pas les conseils qui ont manqué au roi de Naples ; il est certain que les gouvernemens libéraux de l’Europe, que le gouvernement français en particulier, le pressaient depuis long-temps d’accorder des réformes pour éviter une révolution ; il a fermé les yeux et les oreilles, il a fallu une tempête pour les lui ouvrir.

L’insurrection de la Sicile a éclaté le 12 janvier, jour de la fête du roi de Naples ; le peuple de Palerme a refoulé les troupes dans le château royal et dans les casernes et a pris possession de la ville, et un gouvernement provisoire s’est aussitôt établi avec le concours et sous la direction des premiers citoyens du pays. La nouvelle du soulèvement, portée à Naples, y a jeté la plus vive inquiétude ; le roi, comptant d’abord sur des moyens énergiques de répression, a fait embarquer sept ou huit mille hommes sur neuf frégates à vapeur. Quoique malade et avant été saigné deux fois, il a assisté pendant toute une journée à l’embarquement de ses troupes, dont il avait donné le commandement à l’un de ses frères, le comte d’Aquila. Il ne parait pas que le roi se fût fait une idée bien exacte de la gravité de la situation, car il a fallu que son frère revînt de Palerme pour la lui exposer. Le rapport qu’il a fait et les dures vérités qu’il a été obligé de dire ont dissipé le reste des royales illusions, et, le 18 et le 19, le roi Ferdinand a promulgué des ordonnances qui accordent à son peuple à peu près les mêmes réformes que celles établies dernièrement à Rome, à Florence et à Turin. Ces ordonnances règlent l’organisation de la consulte d’état, dont elles étendent en même temps les attributions ; elles introduisent le système de l’élection dans les conseils provinciaux et communaux et établissent la publicité des délibérations. De plus, le comte d’Aquila est nommé lieutenant-général de la Sicile ; la sépara-