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Chapelain est bien capable d’avoir eu toutes ces intentions profondes ; pour Virgile, cela me semble plus douteux.

Je n’aurais pas si longuement insisté sur les défauts que je crois remarquer dans ces études, si de notre temps ces défauts n’étaient pas à la mode. Pour compenser ces critiques, il faudrait donner ici une idée du talent de l’auteur, du mérite de son ouvrage ; malheureusement cela n’est pas facile. Ce qui fait la valeur de ce livre, c’est le piquant des détails, l’érudition facile, la verve ingénieuse avec laquelle M. Legris défend ses opinions paradoxales. La lecture de ces études peut seule en faire sentir le mérite ; elle est attachante et instructive, malgré les erreurs de l’écrivain. Ne faut-il pas en effet beaucoup d’esprit et de science pour se tromper ainsi ?

Les travaux diversement remarquables de MM. Dezobry, Meyer et Legris nous font pénétrer plus avant dans la société romaine. Certes, les Romains y perdent un peu ; comme toutes les grandeurs de ce monde, ils ne gagnent pas à être regardés de trop près. Long-temps nous ne les avons vus qu’à travers Tite-Live ; Corneille leur a donné des proportions surhumaines. La critique moderne a nécessairement dissipé à cet égard quelques-unes de nos illusions. Sans méconnaître la grandeur de ces héros, nous connaissons trop bien aujourd’hui les misères et les ridicules de cette Rome si majestueuse : l’histoire a fait tort à la poésie ; peut-être faut-il s’en affliger. Quoi qu’il en soit, le poète qui tentera désormais de faire revivre Rome sur notre scène devra sans doute la peindre sous ses deux faces, et mêler dans une proportion judicieuse l’élément comique à la tragédie, s’il veut satisfaire aux exigences également impérieuses de la poésie et de la vérité.


EUGÈNE DESPOIS.