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y a ajouté 3 à 4 millions de francs, et encore s’occupe-t-on depuis quelques années d’avoir des navires à vapeur. Avant 1836, la fédération américaine ne dépensait pas tout-à-fait 4 millions de dollars pour sa marine.

Je n’imagine pas ce qu’on pourrait répondre, à un orateur qui, armé de ces renseignemens, monterait à la tribune pour sommer le gouvernement, au nom des contribuables trop long-temps abusés, de dégrever le pays, d’ici à peu d’années, de 200 millions d’impôts, en reprenant, pour le budget de la guerre, les chiffres de 1838 ou 1839, et en rentrant, pour la marine, dans les limites recommandées par plusieurs hommes d’état qui ont eu le portefeuille de la marine, et surtout par M. le baron Portal. Avec 65 millions bien employés, nous pourrions avoir une marine fort respectable et des arsenaux bien pourvus. Avec un budget double, nous avons résolu le problème d’avoir nos arsenaux vides, hors d’état de remplacer une mâture ou de refaire un doublage.

Pendant nos années de prospérité financière, nos dépenses militaires s’expliquaient comme un caprice que se passe une nation dont tout d’un coup le trésor regorge. C’est ainsi que des particuliers, dont les revenus s’accroissent brusquement, s’avisent de ne plus compter avec leurs fournisseurs et leurs valets ; mais maintenant qu’au su de tous, gouvernans et gouvernés, nous sommes dans un déficit dont personne n’aperçoit le terme, il faut prendre une grande détermination, afin d’éviter un abîme financier, si le danger politique ne nous émeut pas. En s’y prenant dès aujourd’hui, il sera facile de remettre l’ordre dans nos finances. Si nous persévérons dans la voie où nous sommes, nous serons bientôt extrêmement compromis ; nos finances, et par conséquent toute notre politique, seront à la merci des événemens, et il sera trop tard même pour être sage. Ayons la présence d’esprit qui peut encore nous soustraire aux embarras du présent, puisque nous n’avons pas eu la sagesse de la veille. Nous n’avons su profiter des beaux jours ni pour diminuer les charges du passé, ni pour ménager des ressources à l’avenir. Combien l’Angleterre a été mieux inspirée dans son administration financière ! La dette de l’Angleterre, en 1816, était pour les contribuables un fardeau annuel de 32,938,751 livres sterling (832 millions de francs). En 1845, elle était réduite à 28,253,872 livres (714 millions)[1]. Il y avait donc eu une diminution de 118 millions ; mais, à cause de l’emprunt de l’an passé pour l’Irlande, il n’en faut compter aujourd’hui que 111. Chez nous, lorsque les frais des deux invasions eurent été acquittés au moyen des emprunts, l’intérêt de la dette publique était passé du chiffre de 63 millions, qui le représentait

  1. Porter, Progress of the Nation, page 483.