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cas qu’on fait de notre puissance militaire, des appréhensions que nous excitons : le vieux soldat en est tout ému ; mais notre raison, qu’il faut écouter d’abord en de si grandes affaires, nous y fera reconnaître un symptôme bien grave. Aux yeux de l’homme le plus influent de la chambre des lords, du conseiller intime le plus vénéré de la couronne, nous sommes redevenus l’ennemi ; le mot y est, et lord Wellington ne dit jamais que ce qu’il veut dire. Les préparatifs militaires qu’il recommande, c’est bien à notre occasion ; c’est pour repousser la descente dont il nous suppose le dessein, c’est pour ne pas être pris au dépourvu quand la guerre sera déclarée par nous (at the moment the war is declared). Il veut qu’on lève, qu’on organise et qu’on exerce la milice des trois royaumes en même nombre que pendant la guerre contre Napoléon. Ce serait un effectif de 150,000 hommes. L’armée régulière serait accrue de manière à fournir sept corps, dont six de 10,000 hommes, et un de 5,000 qu’on établirait dans autant de positions sur le bord de la mer. On disposerait des fortifications à portée de tous les points où un débarquement est possible. On s’approvisionnerait d’armes, de munitions, sur le même pied qu’en 1804, c’est-à-dire pendant le temps du camp de Boulogne, parce que, dit-il, les circonstances ressemblent autant qu’il est possible à celles où l’Angleterre se trouvait alors, avec cette seule différence que la lutte était engagée, et qu’en ce moment elle ne l’est pas. Le généralissime des armées anglaises est convaincu qu’il y a chez nous un parti arrêté d’aller chercher à Londres une revanche de Waterloo et des traités de 1815 ; et c’est ce qui lui fait écrire ces paroles qui me paraissent mériter l’attention de quiconque chez nous a du crédit auprès du gouvernement et des chambres : Ces mesures sont absolument indispensables au besoin de la pure défense et de la sûreté du pays dans les circonstances actuelles (absolutely necessary for mere defence and safety under existing circumstances).

La démonstration de lord Wellington a été suivie de quelques autres, d’abord de celle de lord Ellesmere, qui n’a fait que répéter avec plus de vivacité de langage ce que le vieux guerrier avait dit dans son style ferme, mais réservé, et ensuite de quelques officiers de l’armée de mer. La lettre que lord Ellesmere a adressée au Times a le son d’un coup de tocsin, comme l’indique l’épigraphe : Awake, arise or be for ever fallen. La discussion s’est ouverte en Angleterre sur la question ainsi soulevée des armemens et des fortifications ; elle continue presque chaque matin et chaque soir dans les journaux. Les avis sont partagés les uns adhèrent, non cependant sans commentaires, aux idées de l’homme auquel la Grande-Bretagne a tant d’obligations ; les autres les combattent. C’est une justice à rendre au Times, qu’après quelques jours d’observation, il a pris très nettement parti contre le thème